Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

despotique sous lequel elles ont gémi pendant des siècles. Que le Pendjab, que les états du Nizam, que le royaume d’Aoudh, passent plus ou moins complètement sous l’administration du gouvernement suprême, nous ne nous répandrons pas, à ce propos, en déclarations stériles sur l’ambition démesurée et les envahissemens perpétuels des Anglais. La prospérité de plus de cent millions d’ames, le développement régulier des ressources commerciales d’une partie considérable de l’Orient, sont intéressés à ces empiétemens nécessaires. Quant au pouvoir des Anglais dans l’Hindoustan, il est assis sur des bases trop solides pour être sérieusement menacé par des conspirations qui ont dernièrement éclaté dans le Pendjab, par le désordre, toujours croissant, dans les états du Nizam et le royaume d’Aoudh, ainsi que par l’insurrection toute récente du Moultan. Aujourd’hui les conspirateurs sikhs sont morts, captifs ou dispersés ; le complot déjà oublié. La tranquillité n’a pas été troublée à Lahore dans ces derniers temps. Hydherabad et Lacknau touchent au dernier degré de décadence et de désorganisation administrative. La misère croissante des populations justifiera et nécessitera l’intervention directe du gouvernement anglais. L’insurrection du dewan Moulradje, dans le Moultan, paraissait avoir pris un développement formidable, et déjà le gouvernement suprême organisait une armée destinée à entrer en campagne au mois d’octobre de cette année pour exterminer les rebelles, quand l’heureuse audace et les inspirations héroïques d’un jeune officier, le capitaine honoraire Edwardes, simple lieutenant dans un des régimens européens au service de la compagnie, ont rendu ces immenses préparatifs inutiles, au moins en partie. Le capitaine Edwardes, à la tête d’un détachement de troupes natives et secondé par les nouvelles levées sous les ordres du colonel Cortlandt et par le contingent du nawab de Bhawalpour, a livré deux fois bataille au dewan, et a mis son armée dans la plus complète déroute. A la suite de la seconde action qui s’est livrée, le 1er juillet dernier, à Saddosam, sous les murs de Moultan, Noulradje, après avoir abandonné son artillerie, a dû chercher un refuge dans la forteresse de cette ville. De puissans renforts ont été expédiés à Edwardes avec de l’artillerie de siége (6 à 7,000 hommes de troupes régulières, dont 1,500 Européens). Au moment où nous écrivons, il est probable que Moultan est, depuis un mois, au pouvoir des Anglais.

Tandis que dans l’Inde, rien ne paraît devoir entraver les mesures prises par le gouvernement suprême pour assurer un tranquille progrès aux relations du commerce avec cette partie du monde, le développement des mêmes relations avec la Chine est subordonné à des questions politiques dont la solution est moins aisée à prévoir. La Chine repousse instinctivement, autant que par la force réelle de ses institutions, l’influence directe et le contact moral de l’Europe. Son souverain actuel, le vieux Taô-Kwang, a prudemment résisté aux instigations de ceux de ses conseillers qui voudraient laver dans le sang anglais la honte du traité de Nanking ; mais Taô-Kwang approche du terme de sa carrière, et, après sa mort, le parti de la guerre peut avoir l’ascendant dans le conseil de Pékin. D’ailleurs les concessions faites par les Chinois, quelque légères qu’elles paraissent être, ont multiplié les points de contact entre les Européens et les populations de l’intérieur, et révélé, chez les Européens, une tendance dangereuse à abuser de l’autorisation qui leur a été accordée (par l’art. 4 du traité supplémentaire) de pénétrer, sous des conditions et dans des limites prescrites, dans l’intérieur du