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Joubert pour la notice de M. Delécluze sur Léopold. M. Marcotte a en outre une esquisse au crayon du sujet abandonné du Carnaval de Venise.

Robert m’a fait à la plume, en 1831, un charmant dessin pour la fable de Daphnis et Alcimadure de La Fontaine.

On voit chez Mlle Robert, à la Chaux-de-Fonds, une étude de paysage représentant une grotte entourée de végétation, peinte par le Hollandais Verstappen, et dans laquelle Léopold a ébauché une ou deux figures. Enfin Mme Huguenin-Robert a recueilli et classé en deux albums, avec l’aide d’Aurèle, tous les croquis, esquisses, dessins finis ou non terminés qu’elle a pu ramasser de son frère, à commencer par les informes essais de sa première enfance et par ses gravures. Parmi les dessins encadrés qu’elle a recueillis, on remarque une fort belle étude à la seppia, qui porte la date de 1833, et représente une femme en costume de Marina, environs de Venise.

Il nous reste, pour compléter cette liste, à enregistrer la disparition de quelques-unes des plus belles peintures de Robert, englouties, avec nombre d’autres chefs-d’œuvre de notre école, dans le flot populaire de février. Le palais de Neuilly n’est plus qu’une ruine, la galerie du Palais-Royal n’est plus qu’un souvenir. Les hangars des musées du Louvre sont jonchés de débris innombrables, souvent informes, de sculptures, de peintures, qui faisaient l’ornement de ces deux palais. Parmi les peintures, les unes sont percées de balles ou éventrées à coups de sabre et de baïonnette : les autres sont brûlées, morcelées, déchiquetées, triturées : ici une colonne, ou un arbre, là une tête ou un corps : disjecti membra poeta. C’est le chaos, c’est un champ de bataille, charnier immonde dont l’art a fait les frais. De trois tableaux de Robert qui se trouvaient dans les deux palais, l’un est mutilé, mais réparable : c’est la Mère napolitaine sur les débris de sa maison ; deux ont disparu : c’est l’Improvisateur au cap Misène et l’Enterrement d’un fils aîné de paysans romains. Quelqu’un a vu chez un restaurateur de tableaux, vis-à-vis du Louvre, le groupe principal de l’Improvisateur arraché ; du milieu de sa toile, car, à la faveur du désordre, des voleurs, glissés au milieu des combattans, ont trouvé le moyen d’exercer leur industrie ! Quantité de toiles, coupées soigneusement au raz du bord intérieur de leurs cadres et détachées de leurs châssis, ont été enlevées : — ainsi le Gustave Wasa d’Hersent, cette délicate et fine peinture ; ainsi la Porte de Constantine, chef-d’œuvre impétueux d’Horace Vernet où le général de Lamoricière volait, à travers les balles, au front de bataille. D’autres peintures, coupées de même pour être enlevées, sont restées sur leurs bordures : le temps avait manqué sans doute pour les dérober. La colère du peuple a frappé, dans la chaleur de ses vengeances, sur ses propres favoris. Horace Vernet, par exemple, le peintre du soldat, est l’un de ceux qui ont été le plus atteints. Sa bataille de Haguenau est trouée ; Jemmapes, Valmy, Montmirail, sont des cadavres ; l’Arrestation des princes au Palais-Royal n’est que lambeaux. La Mort de Poniatowski et le Soldat laboureur sont détruits. Ajoutons que le beau portrait de Maria Grazia, la femme du brigand, par Schnetz, est méconnaissable. Des deux portraits du duc d’Orléans-Égalité peints par sir Joshua Reynolds, l’un est à Eu, l’autre était au Palais-Royal : le premier est intact, le second est mutilé ; heureusement la réparation en est possible. C’est au Palais-Royal qu’appartenaient encore les deux fameuses peintures de Géricault, le Cuirassier et le Chasseur : par un miraculeux hasard, elles sont sauvées ; un propriétaire exigeant et mal payé les retenait comme gage dans les salles de l’exposition des artistes quand éclata la révolution. Elles vont faire la décoration du Louvre colonnes vigoureuses restées debout au milieu de lamentables ruines.


Feuillet de Conches