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poursuivies avec cette assurance que donnent toujours la supériorité du nombre et la concordance des opinions. En confiant à nos ambassadeurs, à nos ministres, à nos chargés d’affaires, hommes pour la plupart considérables et rompus aux affaires, le soin de traiter au dehors, chacun pour son compte, les questions principales qui regardaient les cours auprès desquelles ils étaient accrédités, le gouvernement français avait eu le dessein non-seulement de grandir à l’étranger la position de ses agens, mais de dérouter, autant qu’il le pouvait alors, la tactique de ses adversaires. La coalition des cours du Nord une fois dénouée, il n’y avait plus les mêmes inconvéniens, il y avait peut-être quelque avantage, pour un ministre des affaires étrangères de France, à concentrer le plus qu’il pourrait à Paris, à réunir dans sa seule main les fils de la diplomatie européenne, et à intervenir davantage de sa personne dans le détail des arrangemens internationaux. Les chefs des administrations du 22 février et du 15 avril en jugèrent ainsi. Les communications venues du dehors leur servirent encore à recueillir de précieux renseignemens, à asseoir leur jugement sur les hommes et sur les faits du moment ; mais, la plupart du temps, ils crurent utile de retenir ou d’attirer dans la sphère de leur action immédiate le maniement et la conduite des transactions qui engageaient plus particulièrement leur responsabilité. Cette observation explique pourquoi les correspondances officielles de nos ambassades conservèrent, à partir de cette époque, moins que par le passé, la trace des affaires considérables qui continuèrent à s’agiter entre les grandes puissances de l’Europe. Les lettres particulières des personnages mêlés à ces affaires et les documens des cabinets étrangers peuvent seuls suppléer à la pénurie des pièces officielles. C’est à cette source qu’il faudrait recourir pour savoir au juste combien fut grande, en 1836, notre intimité avec la Prusse, et quel rôle principal et volontaire le souverain de ce royaume s’attribua dans un événement qui fixa justement alors l’attention de la France et de l’Europe. Nous voulons parler du mariage du duc d’Orléans.

Cette fois, comme d’ordinaire, quand les circonstances extérieures ne pèsent pas trop fortement sur les déterminations des hommes, l’entraînement précéda la résolution réfléchie, et les impulsions du penchant personnel furent plus grandes encore, sinon plus déterminantes que les considérations de la politique. Pendant l’été de 1836, les ducs d’Orléans et de Nemours vinrent assister aux grandes revues de l’armée prussienne. Pour la première fois, les fils du roi des Français venaient entretenir des rapports de courtoisie avec une des plus vieilles dynasties de l’Europe. Je laisse à supposer si la curiosité était grande au sein d’une de ces cours d’Allemagne, le plus souvent assez désoeuvrées, toujours si attentives à surveiller les moindres démarches de leurs