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ministre prussien parlait en termes si flatteurs de l’alliance française. Il y avait une rare générosité à taire d’autres passages sur la Russie et sur des successions illégitimes aux trônes de plusieurs états de l’Europe. Quoi qu’il en soit, les pourparlers entre la cour de Prusse et l’ambassadeur de France ne discontinuèrent pas un instant. Le violent appel fait aux anciens préjugés, aux vieux ressentimens du chef de la monarchie prussienne, par son beau-frère et par son ami, par le compagnon de son enfance, ne le détourna pas de ses desseins. Les sombres présages de ses proches, les terribles souvenirs incessamment évoqués par le chef de sa famille n’arrêtèrent pas davantage la princesse Hélène. Le nom de la France, sa future patrie, avait de loin parlé à son cœur. Pour être Française, cette femme courageuse avait tout accepté d’avance, même le malheur.

Le mariage du duc d’Orléans, ainsi préparé par l’initiative personnelle du roi, patronné et conclu par lui malgré les efforts du parti puissant et nombreux qui combattait à Berlin l’influence de la France, ne fut pas un acte indifférent à sa politique, heureux seulement pour les époux et pour les deux familles royales ; ce fut la manifestation publique d’un fait considérable. La barrière que les coryphées des idées absolutistes avaient voulu élever entre la dynastie française et les autres grandes dynasties souveraines était franchie. La Prusse ne s’était pas seulement retirée peu à peu, comme l’Autriche, de la coalition tacite reformée après 1830 ; elle avait passé de notre côté. Les conseils de Saint-Pétersbourg ne prévalaient plus exclusivement à Berlin. Malheureusement le sage monarque qui avait donné l’impulsion à la nouvelle politique de son cabinet mourut peu de temps après ; quand surgirent les complications de 1840, l’Europe n’eut que trop tôt l’occasion de regretter l’action conciliatrice que ce prince n’eût point manqué d’exercer sur les déterminations de ses alliés. Quoi qu’il en soit, et tant qu’il vécut, notre action fut réelle dans les conseils de la Prusse, et n’a cessé, jusqu’à sa mort, de s’exercer utilement.

Est-il besoin, après les faits que je viens de raconter, de faire remarquer que ce retour à de meilleures relations ne fut acheté, de notre part, par aucune faiblesse, par aucun abandon, je ne dirai pas de nos droits ou de nos intérêts, mais par la moindre concession de principes, par aucune déviation, si légère qu’elle fût, de la ligne de conduite que l’honneur de la révolution de juillet nous commandait de tenir ? Chose singulière ! les premières tentatives de rapprochement eurent lieu pendant le ministère du 22 février, quand M. Thiers, celui de nos hommes d’état dont les opinions passaient pour s’éloigner le moins des doctrines de l’opposition, était ministre des affaires étrangères, et le président du conseil du 15 avril, qui avait négocié avec le roi de Prusse le mariage du duc d’Orléans, était précisément le même ministre qui, au lendemain de la révolution belge, interprète hardi de la politique française,