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Naples et le cabinet britannique avait contribué à le rassurer sur la possibilité d’une rupture prochaine entre la France et l’Angleterre. Placé entre ces deux cours, il se sentait fort contre les ressentimens du cabinet de Saint-Pétersbourg. La mésintelligence, si elle venait à se mettre entre la France et l’Angleterre, ne pouvait d’ailleurs être si brusque et le surprendre si fort à l’improviste, qu’il n’eût le temps de faire retraite et de se rejeter, plus soumis que jamais, dans les bras du soupçonneux voisin dont il s’était bien gardé de paraître, même un instant, abandonner, l’alliance.

Telles étaient les relations de la France avec la Prusse et l’Autriche en 1839. Où en étaient nos rapports avec l’empereur Nicolas ?

Nous avons déjà eu occasion de dire quelques mots du czar à propos des conférences de Munchen-Graetz. Nous l’avons vu arrachant, de guerre lasse, aux souverains ses alliés une de ces manifestations dont il était amoureux, solennelles en apparence, puériles au fond, qui retombent le plus souvent sur ceux qui se passent, en politique, de pareilles fantaisies. Depuis 1830, la passion gouvernait exclusivement l’empereur Nicolas. Dans ce pays d’autorité incontestable et incontestée, le caprice du souverain devient vite système de gouvernement. A rechercher les motifs sérieux, voici ceux qu’on peut supposer. L’alliance de la France est, en temps ordinaire, la base de la politique russe. Sous la restauration, et surtout pendant les dernières années de ce gouvernement, cette alliance avait été assez étroite ; elle avait été profitable à la cour de Saint-Pétersbourg. Engagée avec la Turquie dans une guerre dont les commencemens ne furent pas heureux et ne laissèrent pas que de porter, dans l’opinion de l’Europe, une assez grave atteinte à sa réputation de grande puissance militaire, la Russie avait trouvé, dans le cabinet des Tuileries, un loyal et énergique appui qui l’avait aidé à triompher du mauvais vouloir de l’Autriche et de la jalousie de l’Angleterre. Le czar ne pouvait pas, pour ses projets ultérieurs, compter sur pareil concours de la part du gouvernement issu du mouvement révolutionnaire de juillet, suivi lui-même de si près par l’insurrection de la Pologne. Ce désappointement causa son irritation. En outre, l’empereur, nous l’avons déjà dit, ne crut pas à la durée du nouvel ordre de choses établi en France. Ses instincts despotiques, le souvenir des services naguère reçus, l’espoir peut-être de services plus grands à obtenir dans l’hypothèse où il deviendrait le héros d’une seconde restauration, le poussèrent à prendre le rôle de patron de la légitimité, de champion des doctrines absolutistes, d’ennemi des idées libérales et de redresseur des torts des peuples. Le but rêvé était chimérique, mais grand ; les détails d’exécution ne furent point à la hauteur du plan.

Le czar s’appliqua, aussitôt après l’avènement de la nouvelle dynastie,