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que nous venons de raconter et ceux dont nous sommes témoins maintenant. Nous ne sommes point de ceux qui se plaisent à des comparaisons ingénieuses. Nous savons cependant que le présent, s’il ne reproduit pas toujours exactement le passé, n’en diffère non plus jamais essentiellement. L’histoire, même récente, est un grave enseignement ouvert à ceux qui savent comprendre, et dont les habiles font leur profit. Il peut y avoir analogie dans les situations là où il n’y a aucune similitude dans les faits. Une chose nous frappe en passant, et nous la signalons à l’attention de ceux qui consacrent sans doute à de mûres réflexions sur nos relations extérieures le temps qu’ils ne donnent évidemment pas aux débats publics. A la veille de ce grand désappointement de 1840, pays, chambres, cabinet, entretinrent sur notre avenir national des illusions fâcheuses, cause première de leur échec. Sorti avec quelque dignité et quelque bonheur de la période révolutionnaire, sûr d’avoir bien mérité de l’Europe ; caressé de la Prusse, recherché de l’Autriche, comptant encore sur l’alliance de l’Angleterre, l’ancien gouvernement perdit tous ses avantages, parce qu’il se les était exagérés, parce qu’il avait voulu les pousser trop loin. A l’épreuve, la Prusse ne se trouva plus si amie, l’Autriche si ferme, l’Angleterre si fidèle. Il en fallut beaucoup rabattre. Serait-il vrai qu’au moment où nous écrivons, le nouveau gouvernement fût par hasard plongé lui-même dans un de ces rêves chimériques dont le réveil est terrible ? Son erreur serait impardonnable, car elle serait à peu près volontaire. De grace, que ceux qui traitent pour notre république cherchent à voir clair dans sa situation. Oui, elle aussi, nous l’espérons du moins, elle a traversé sa phase révolutionnaire ; mais comment ? mais de quelle façon ? A quels titres l’Europe serait-elle son obligée ? Les hommes de février ne se sont point montrés ambitieux, il faut le reconnaître, pour leur révolution ; mais l’Europe ingrate a l’irrévérence de penser que, s’ils n’ont pas été conquérans, cela tient surtout à ce qu’ils n’ont rien eu à conquérir. La Prusse ne demandait pas mieux que de savoir gré aux hommes d’état de 1848, comme à leurs devanciers de 1830, d’avoir refusé la Belgique. Malheureusement, la Belgique ne s’étant pas donnée, s’étant même assez bien défendue par les seuls sabres de ses douaniers, ils n’ont rien eu à refuser, et la Prusse ne leur doit rien. Avoir évacué Venise avant même de l’avoir occupée, c’est une recherche de procédé qui fait pâlir l’acte de bonne foi accompli à Ancône ; mais la reconnaissance paraît devoir, cette fois, rester cachée comme le bienfait. L’Autriche tarde à nous témoigner sa gratitude, en nous indiquant seulement dans quel lieu du monde elle veut bien s’aboucher avec nous. Je ne doute pas que la diète de Francfort ne soit très touchée de ce que nous n’avons point songé à reconquérir la frontière du Rhin ; toutefois, dans la diète, il ne manque pas de fiers unitaires