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compte courant avec la banque, lui verse en même temps d’assez notables excédans ; on peut néanmoins omettre cette circonstance, qui n’est pas absolument nécessaire à nos calculs.

Une fois que la somme des dépôts confiés à sa garde s’élève à ce point, la banque se croit dispensée de rien garder de son propre capital. Aussi le place-t-elle tout entier, soit en rentes, soit en bons du trésor, faisant ainsi concurrence aux capitalistes dans la seule voie qui leur reste et avec leurs propres fonds. La voilà donc n’opérant plus, dans ses prêts et ses escomptes, qu’avec les fonds d’autrui. Son encaisse néanmoins s’élève à 80 millions, non compris les fonds déposés par le trésor public. Dans cette situation, pourquoi n’élèverait-elle pas de nouveau ses émissions ? Elle les porte donc de 150 millions à 200, chiffre toujours très normal, puisqu’il n’est à l’encaisse effectif que dans le rapport de 2 1/2 à 1. Dans ce cas, le compte de ses placemens et de ses bénéfices se règle ainsi :


En numéraire 60,000,000 fr.
En billets 200,000,000
TOTAL 260,000,000 fr.
Intérêt à 4 pour 100 10,400,000 fr.
A déduire pour frais 800,000
Reste 9,600,000 fr.

Une chose frappera d’abord dans ce système, c’est la révoltante inégalité qu’il engendre. Pendant que les actionnaires de la banque, sans courir aucune chance sérieuse, perçoivent des dividendes de 16 pour 100[1], les malheureux capitalistes dont la banque emploie les fonds pour son usage ne perçoivent rien du tout, ou s’ils trouvent ailleurs, après beaucoup de peines et de démarches, quelque placement aventureux, ils ne recueillent, au milieu de beaucoup de chances de perte, que de très maigres intérêts. Ai-je besoin de dire aussi que ce système nourrit l’agiotage, les jeux de bourse, en ôtant tout autre emploi aux capitaux ? Mais ce qui doit nous occuper avant tout, c’est le danger imminent qu’un tel état de choses fait naître.

Lorsque les émissions de la banque sont arrivées à un certain degré, la masse des capitaux disponibles et cherchant un placement devient énorme, non pas, il est vrai, dans toute l’étendue du pays, car il n’existe pas de moyens réguliers pour les y répartir, mais dans tout le rayon sur lequel la banque agit, et particulièrement dans la ville

  1. Il faudrait faire quelques légères déductions pour compenser les pertes ; mais, à moins d’un événement extraordinaire, ces pertes ne seront jamais considérables, car une banque privilégiée exige toujours deux garanties pour une.