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retrait commence, la disproportion devient énorme, ce qui prouve que la banque s’engage de plus en plus dans la funeste pratique d’opérer avec les fonds d’autrui, sans les avoir liés à sa fortune par le paiement d’aucun intérêt. Une autre circonstance non moins digne d’attention, c’est que dans toute cette période, si agitée, si tourmentée, le chiffre total de la circulation varie peu, et beaucoup moins, par exemple, que dans les années antérieures à 1826. Cette circonstance prouve d’abord que les banques à fonds réunis, qui s’étaient formées dans les provinces en conséquence de la loi de 1826, avaient apporté là un élément de régularité qui n’existait pas auparavant : j’avais donc raison de dire, en commençant, que plus les banques se multiplient, plus elles se soumettent à la règle. Il faut en conclure, en outre, que ce n’est pas dans l’irrégularité ou l’intempérance des émissions de billets que le mal réside, puisque, même aux époques les plus critiques, ces émissions ont très peu varié en Angleterre, et que c’est bien à tort enfin que certains économistes anglais, sir Robert Peel en tête, ont cru, en s’efforçant de les limiter, prévenir le retour des crises commerciales. Ils ont cherché le mal où il n’est pas, et ont refusé de le voir où il se trouve. C’est à ce point de vue surtout que le bill de 1844, d’ailleurs si mal combiné dans ses dispositions pratiques, est une très grosse erreur.


V. – CONS2QUENCES DE LA LIBERTE DES BANQUES – CONCLUSION.

En présence de ces faits trop significatifs, que faut-il penser et dire de ces hommes aveugles et chagrins, qui s’en vont répétant parmi nous que les souffrances de nos sociétés actuelles dérivent de la tyrannie du capital ? Cette formule a-t-elle un sens quelconque dans leur bouche ? et si elle a un sens, quel est-il ? Certes, les maux sont grands dans la société qui nous entoure ; mais n’est-il pas puéril de les attribuer à une prétendue tyrannie que le capital exercerait sur le travail ? Où sont les circonstances par où cette prétendue tyrannie se révèle ? Il n’est guère de l’essence du capital d’opprimer le travail, sans lequel il ne peut rien, et qu’il doit, au contraire, suivre et rechercher avec empressement dans toutes ses voies. En fait, d’ailleurs, cela n’est pas. Ce qui est vrai plutôt, c’est que, dans l’état de choses dont je viens de tracer un tableau fidèle, le capital est lui-même affreusement opprimé par un monopole inique. Cette vérité s’applique d’ailleurs, remarquons-le bien, aux petits capitaux tout aussi bien qu’aux grands, et il ne faut pas oublier que l’ouvrier, l’homme de peine, devient lui-même capitaliste aussitôt que le fruit de ses épargnes commence à s’accumuler entre ses mains. Nos socialistes seraient donc plus près du vrai, s’ils attribuaient les maux de la société actuelle à la tyrannie exercée sur le capital ; mais alors ils seraient forcés de convenir que ce qu’ils