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si bien écrit ; le second, par une imagination si grande, si gigantesque, si originale.

« Vous comparez Ingres à Raphaël ? Il me semble qu’on pourrait plutôt le comparer à Léonard de Vinci, qui n’a jamais voulu se faire aider, et qui, par cette raison, a produit si peu d’ouvrages, quoiqu’il soit mort très vieux. »

Dans ses lettres à ses anciens camarades, Robert jetait à cœur ouvert quelques mots sur les artistes qui l’entouraient, sur Granet, sur Schnetz, sur Horace Vernet, sur les écoles étrangères représentées à Rome, etc.

Décembre 1821. — « J’ai trouvé le tableau de M. Granet superbe, étonnant d’illusion. Néanmoins, je t’avoue entre nous que je désirerais une scène plus intéressante ; mais il faut avouer que c’est la nature même ; il y a un cachet particulier de maître. »

Août 1824. — « Schnetz a envoyé son tableau de Sainte Geneviève. Je suis bien impatient de voir comment on l’accueillera, s’il arrive pour l’exposition. Tu serais étonné de la verve qu’il y a. C’est d’une nature si forte, d’une énergie si étonnante, qu’il me semble qu’on ne peut rien mettre en ligne. Je le regarde comme bien supérieur à son Condé. Il y a plus de liberté, plus de caractère historique, et le pathétique du sujet fait plus d’effet. Il est facile de penser que les imitateurs de l’antique lui feront des reproches. Il est si rare qu’ils comprennent ce sentiment vigoureux !

« Quand ce tableau était exposé dans l’atelier de Schnetz, il y avait trois autres tableaux considérables d’autres artistes, et exposés également chez eux : l’un d’Overbeck, l’Entrée de Jésus-Christ à Jérusalem ; c’est allemand, mais plein de naïveté : nous l’avons été voir ensemble, Schnetz et moi, et il nous a fait grand plaisir ; — un autre, d’un Russe nommé Bruni, — Horace qui vient de tuer sa soeur :: c’est de la touche sans étude ; enfin, un sujet curieux, peint par un Anglais, une Famille anglaise recevant la bénédiction de Pie VII : on a bien ri de cette peinture ; c’est tout ce qu’il y a de plus bizarre, avec un effet très original, mais sans nulle vérité. »

1825. — « Je reviens à Schnetz. Son lot, malgré ce qu’il y aurait à dire, est beau et très beau ; il y a un sentiment d’exécution si vrai, et la pensée de ses tableaux offre toujours un quelque chose qui se trouve si peu facilement ! J’avoue qu’il pourrait un peu plus penser aux grandes lignes dans ses compositions, et ensuite à l’harmonie, au séduisant d’un effet bien entendu. Il peut acquérir pour cela beaucoup. D’ailleurs, ses grands tableaux étaient des scènes qui exigeaient trop de figures. Je voudrais voir Schnetz traiter des sujets forts, où l’action ne fût qu’une, et qui, par conséquent, n’outrepassât point le nombre de quatre ou cinq figures ; l’effet viendrait plus naturellement, et il pourrait mettre tout ce qu’il sait. Quoi qu’il en soit, je me suis beaucoup