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La neige s’est fondue, aux rayons du vrai jour,
Sur ta lèvre engourdie ;
L’urne de ta pensée, au toucher de l’amour,
Déborde en mélodie.

L’arbre a repris sa feuille ses vertes couleurs,
Et ses divins murmures ;
Au moindre vent, ses fruits pleuvront avec des fleurs ;
Ses pommes d’or sont mûres.

Tresse, au bord du verger, tresse encor, pour demain,
Des corbeilles plus grandes,
Et va parer l’autel où ta stérile main
N’apportait plus d’offrandes.

Le désert t’a rendu cette vertu d’aimer
Que l’homme t’a ravie ;
Et l’on nie à ce sein qui t’a pu ranimer
D’avoir en soi la vie !

Il répare en un jour ces longs mois où l’ennui
Appauvrissait ta muse.
Tout s’accroît au désert, tout s’engendre de lui ;
Dans la cité tout s’use.

Crois-en donc à l’instinct qui t’y fait sentir Dieu
La nature est vivante ;
L’infini coule en elle, et t’abreuve, en tout lieu,
De joie et d’épouvante.

Oui, c’est Dieu qui circule en cet immense corps,
Dans la moindre corolle ;
Ces formes, ces couleurs, ces parfums, ces accords,
Tout n’est que sa parole.

Cette parole vit ; c’est l’ame, c’est la voix
De toute créature ;
C’est l’amour que tu sens, la beauté que tu vois
Au fond de la nature.

Cherche donc le désert quand tu vas poursuivant
L’esprit qui renouvelle,
Poète, et, chaque été, plonge-toi plus avant
Dans la source éternelle !


VICTOR DE LAPRADE.