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n’auraient guère changé le fond des choses ; mais c’est toujours une dure affliction que de posséder de pareils amis. La candidature impérialiste était le plus fâcheux désagrément qui troublât le sommeil du général Cavaignac. M. Clément Thomas n’a rien imaginé de mieux contre cette insupportable rivalité que de faire force de bras pour l’écraser en germe. Quel émoucheur ! Le général Cavaignac peut bien dire si les coups étaient bons.

À l’aide de cette réclame gratuite dont un ennemi le favorisait, le prince Louis, qui s’avouait à peine candidat, s’est trouvé tout aussitôt posé en prétendant. Il a bravement accepté la position, et le lendemain, car pour beaucoup de raisons le prince n’improvise pas, le lendemain il s’est installé dans sa charge par un discours dont l’habileté même a empêché le succès au sein de l’assemblée. Qu’importe l’assemblée ? Ce discours, en effet, donnait tant de gages à tout le monde, qu’il ne liait l’auteur à personne. Aux pétitionnaires de la montagne, qui demandent une amnistie pour leurs soldats de juin, le prince annonçait qu’il pensait « à guérir les maux de la société plus qu’à les venger ; » à la majorité, il déclarait qu’il entendait repousser « les théories fondées sans l’expérience et la raison ; » à tous, qu’il ne voulait point de hallebardes. C’est justement le langage connu des bien-aimés.

Si ce discours n’a pas eu d’écho très favorable dans l’assemblée, il n’en a pas moins exercé son influence au dehors. La candidature a pris un essor plus rapide que jamais ; elle s’est hautement qualifiée pour ce qu’elle était ; le prince l’avait dit à la tribune, c’est la candidature d’un nom, c’est la glorification héréditaire transmise par un chef de race à son descendant et perpétuant son règne par le prestige des souvenirs, malgré la différence des personnes. Nous avons toujours été des constitutionnels sincères et convaincus, nous avons baissé la tête sous le joug des faits accomplis ; mais nous n’avons pas cessé de croire que, si l’on n’avait point malheureusement à compter aujourd’hui avec l’irréparable, le meilleur serait encore d’avoir gardé ce qui était. Nous aurions donc quelque propension naturelle à servir ce retour apparent de la foule vers des traditions que nous avons vu briser, sans les déserter dans notre cœur. Il y a cependant deux raisons qui nous empêchent de nous associer à ce retour, tel qu’il s’accomplit : c’est une aventure de plus après tant d’autres, et c’est une aventure qui porte aux nues un nom, rien qu’un nom, vis-à-vis duquel nous sommes en défiance.

Oui, puisque le sort en était jeté, nous aurions voulu que notre patrie acceptât résolûment la condition qu’elle s’était laissé faire sans avoir le courage ou le sang-froid de la résistance. La seule manière de nous tirer de l’abaissement où cette grande surprise nous avait précipités, c’était de relever avec fierté le gant que la fortune semblait jeter encore à la France, c’était de prendre son parti en brave et d’aborder sincèrement la conquête de ces institutions dont les prétendus parrains se vantaient de nous avoir conquis. Ce n’était pas de nous venger d’une humiliation en allant au-devant d’une autre, ce n’était pas de nous consoler de la parodie qu’on nous avait obligés à jouer, en forçant nos vainqueurs d’une heure à jouer avec nous le rôle de dupes dans une parodie nouvelle, en arborant un lambeau de pourpre impériale par dépit contre le bonnet rouge. Un méchant tour en représaille d’un coup de main ! farce contre