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en séance publique n’était-il pas un argument sans réplique, une recommandation victorieuse ?

Hélas ! qu’il y a loin de ces rêves à la réalité ! Le public, pour admirer, pour blâmer un tableau, une statue, une église ou un palais, ne tient pas à savoir si l’auteur a été couronné par l’Institut. Il juge l’œuvre en elle-même sans demander si le peintre, le statuaire ou l’architecte a vécu cinq ans en Italie. Si le pensionnaire a de lui-même une trop haute idée, s’il a pour son talent et son savoir une estime que ses œuvres ne justifient pas, le public se charge de lui enseigner la modestie. Certes, il arrive parfois au public de se tromper ; parmi ceux qui donnent leur avis, qui se prononcent sans hésiter, il en est plus d’un qui tranche les questions dont il ne sait pas le premier mot. Pour avoir eu le talent de s’enrichir, ou le bonheur de naître dans la richesse, on n’est pas nécessairement capable d’apprécier un tableau, une statue ; mais, à tout prendre, malgré bon nombre de bévues, le public est rarement injuste. Si parfois il s’engoue d’une œuvre sans importance, il reconnaît volontiers sa méprise, et ne se fait pas prier pour bafouer ce qu’il admirait huit jours auparavant, dès qu’une voix sincère a parlé au nom de la vérité. Sans connaître, sans chercher la raison de ses sympathies, il préfère généralement ce qui doit être préféré. Sans être souverainement juste, il possède une justice relative qui ne s’éloigne pas trop de la vérité. Si le tableau placé devant lui n’a d’autre mérite que de rappeler une composition de l’école romaine, ou de l’école florentine, faute de pouvoir saluer dans ce pastiche une vieille connaissance, il passe, et ne daigne pas même demander le nom des personnages. Si le pensionnaire n’a pas appris à penser par lui-même, s’il n’a appris en Italie que l’art trop facile de substituer en toute occasion la mémoire à l’imagination, s’il n’est pas assez fort pour reconnaître combien il est peu de chose, pour sentir qu’il n’a aucun droit aux applaudissemens, il est perdu sans retour. Confondu dans la foule, il aura beau transcrire ses souvenirs, la renommée ne viendra pas le trouver. Après d’inutiles efforts pour appeler, pour enchaîner l’attention, aigri, découragé, il maudira ses illusions, ses espérances, et ne pensera jamais sans colère au grand prix de Rome, qui devait lui donner la gloire, et qui souvent ne lui donne pas même le pain de chaque jour.

Si telle est la destinée commune des pensionnaires de l’académie, si la plupart d’entre eux trouvent à peine dans la pratique de leur art de quoi subvenir aux besoins de la vie matérielle, est-il sage de maintenir l’académie ? Ne conviendrait-il pas de récompenser l’étude et le talent d’une autre manière ? Qu’on ne se méprenne pas sur la nature de ma pensée ; ce n’est pas une économie que je propose. L’académie de France à Rome est pour l’état une dépense insignifiante. Loin de regretter les