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loin en Italie, et nous n’apprenons pas qu’au-delà du Tessin on s’occupe d’entrer en campagne autrement qu’à la tribune et sur le papier. Au fond, on a grand’peur de Radetzky. Ce n’est pas sans cause, car le vieux maréchal ne paraît pas doué d’une extrême mansuétude. Tout tremble sous sa main en Lombardie, et il ne cache pas son intention de traiter, à la première occasion, les duchés de Parme et de Modène, voire la Toscane et la Romagne, comme des provinces révoltées de S. M. l’empereur ; ce qui a fort refroidi l’humeur belliqueuse des croisés.

Quelques soulèvemens partiels, dont on a beaucoup exagéré l’importance, ont eu lieu seulement dans la partie montagneuse du Milanais. M. Mazzini et quelques-uns des siens ont fait, au nord de Como, dans la vallée d’Intelvi, une tentative que les Autrichiens ont étouffée sans coup férir. Du reste, ces incorrigibles patriotes, qui auraient dû prendre le mousquet plus tôt, au lieu de faire des émeutes à Milan contre Charles-Albert, n’ont eu rien de plus pressé que de proclamer la république dans un petit village des Alpes. Ils n’ont pas eu un meilleur succès que M. Struve à Lœrrach, et, personne ne les soutenant, ils se sont sauvés en Suisse.

À Turin cependant, cette échauffourée a fourni aux capitans de la chambre de superbes thèmes d’opposition. La gauche du parlement sarde se compose particulièrement d’avocats fort applaudis pour leurs périodes dans ce pays encore neuf aux spectacles parlementaires. Là comme ailleurs, ces messieurs en remontrent aux banquiers sur la finance et font la leçon aux plus vieux généraux en matière de tactique. Au ministre de la guerre, qui savait probablement mieux que personne à quoi s’en tenir, un M. Brofferio, par exemple, avait dernièrement entrepris de prouver que la discipline et la tenue de l’armée sarde étaient incontestablement supérieures à celles des troupes autrichiennes ; que jamais le Piémont ne s’était trouvé dans de plus favorables conditions pour reprendre l’offensive, pour mener à bonne fin la guerre et se passer de tout secours étranger, si la France et l’Angleterre persistaient à le refuser. C’est toujours, comme on le voit, ce malheureux farà da se. Vainement le général Dabormida opposait à la rhétorique de M. Brofferio des raisons malheureusement trop concluantes pour l’amour-propre national. Un tonnerre d’applaudissemens, parti d’un grand nombre de bancs et des galeries publiques, a accueilli M. Brofferio ; mais la froide raison et le bon sens piémontais se sont retrouvés au fond de l’urne du scrutin, d’où 122 voix contre 13 ont repoussé la déclaration de guerre immédiate, sur l’engagement pris par le cabinet de recourir bientôt aux armes si l’Autriche voulait imposer à l’Italie des conditions déshonorantes.

Les partisans de la guerre à outrance, battus dans cette mémorable séance du 21 octobre, ont transporté leur action hors du parlement, dans lequel ils se trouvaient en minorité. M. Gioberti, à leur tête, a fondé la Société nationale pour l’indépendance italienne, une espèce de ligue à la façon de celle d’O’Connell, avec la prétention d’en faire bientôt, une seconde édition de la diète de Francfort. M. Gioberti, le champion infatigable de l’indépendance italienne, et qui s’est retiré du ministère lorsque le Piémont a été contraint d’accepter l’armistice, M. Gioberti ne pouvait, sans renier ses antécédens et surtout sans compromettre sa popularité, accepter les tempéramens que nécessitent les circonstances. Il a voulu rester à la tête de la croisade qu’il avait prêchée, et il