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travaille actuellement, avec toute l’activité de son caractère, à maintenir dans l’esprit de ses compatriotes la passion de l’indépendance et la haine de l’étranger. Toujours convaincu que l’Italie ne peut être sauvée que par l’union fédérale, il a inscrit sur son programme ces deux mots qui résument toute sa politique « Guerre et confédération. » — La Société nationale a débuté par un manifeste adressé à l’assemblée nationale de France[1], puis elle a publié un acte fédéral pour les divers états italiens, désigné le lieu où s’assemblera la diète, et proposé une loi électorale indiquant les formes dans lesquelles devront être nommés les membres de cette assemblée. Tout cela se passe en dehors des pouvoirs légaux, des souverains et des parlemens, sans que ceux-ci même semblent avoir été consultés ; mais on entend les formes constitutionnelles d’une si singulière façon en Italie !

Nous n’en voulons pour preuve que l’étrange crise ministérielle qui s’est produite dernièrement en Toscane. La Toscane, contrée paisible par excellence, possédait des institutions libérales et vraiment paternelles bien avant l’introduction du régime parlementaire. Depuis quatre-vingts ans, la destruction de tous les privilèges y est accomplie, et l’égalité, introduite par la division des propriétés, y avait fondé une liberté tranquille, en harmonie avec la douceur du caractère des habitans. Mais la Toscane possède un port où se donnent rendez-vous, des quatre coins de la Méditerranée, tous les esprits turbulens, les agitateurs à gages et les condottieri révolutionnaires. Ce ramassis de factieux gouverne la populace de Livourne ; la populace de Livourne, à son tour, fait trembler la Toscane, et voilà comment, malgré la répugnance du grand-duc et en dépit de la volonté prononcée du conseil-général de Florence, un ministère pris dans une minorité imperceptible a été imposé à la Toscane sur le bruit que les Livournais, après avoir chassé leur garnison, se disposaient à marcher sur la capitale.

Le peu de troupes que possède le gouvernement toscan eût été plus que suffisant pour mettre en déroute cette horde de tapageurs que le gouverneur de Livourne, M. Montanelli, avait essayé d’apaiser par la promesse d’une constituante. Une constituante en Toscane ! Qu’aura-t-elle à constituer ? Quoi qu’il en soit, les facchini de Livourne ont tranquillement désarmé les postes, pris les forts qui se sont empressés de se laisser prendre, cerné dans son hôtel M. le gouverneur, et ne l’ont relâché qu’à la condition qu’il irait se faire nommer ministre à Florence. Ainsi a-t-il fait. Du moment où le ministère Capponi et le grand-duc ne voulaient pas se résoudre à repousser la force par la force et à faire triompher le vœu de la majorité, il fallait bien accepter les chefs imposés par l’émeute. Le parti modéré avait dans son sein assez d’hommes en état de remplacer le ministère démissionnaire ; il n’a pas voulu, ou plutôt il n’a pas osé prendre en main les affaires, alléguant qu’il fallait laisser les exaltés donner la mesure de leur capacité gouvernementale et s’user au pouvoir : misérable prétexte qui recouvre mal un manque de résolution d’où peuvent naître bien des maux pour la Toscane. Le gonfalonier de Florence, baron Ricasoli, a donné sa démission. C’est un portefeuille au contraire qu’il lui fallait prendre avec ses amis Salva-

  1. Au Peuple français la Société nationale pour la confédération italienne. Turin, 1848.