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se soulevèrent contre les collecteurs ; dans plusieurs endroits, il fallut faire marcher les troupes pour les sauver de la fureur des paysans.

C’est à cette époque qu’il faut placer ce que j’ai déjà raconté de l’avocat Kossuth et du point de ralliement que la création de son journal offrit au parti radical. Sans doute on a peine à s’habituer à l’idée d’un gouvernement constitutionnel sans publicité et au contre-sens perpétuel d’institutions qui ne sont plus en rapport avec les faits nouveaux. Dans la diète et dans les comitats, la liberté, la licence même du langage n’avait rien à envier à aucune tribune de l’Europe ; mais cette voix bruyante tombait sans écho, elle ne retentissait que pour quelques rares spectateurs entassés dans une étroite galerie : d’insignifians bulletins, insérés de loin en loin dans les journaux censurés, venaient apprendre à l’Europe qu’il y avait une diète en Hongrie. Obligée de subir si près d’elle un gouvernement où on parlait, c’était une grande consolation, pour Vienne, que de l’empêcher d’être entendu. L’Autriche se retranchait, avec un zèle constitutionnel digne d’éloges, dans l’observation exacte de la bulle d’or. Puisqu’André II, en 1222, n’avait pu assurer aux états la publicité de leurs séances par la voie des journaux, toute tentative de ce genre était inconstitutionnelle.

On a vu déjà comment la résistance et les ordres du gouvernement furent éludés. Le journal de Kossuth, copié à la main, devint le bulletin du parti radical ; il entretenait l’agitation qui succéda dans le pays aux espérances données par la diète dont nous avons analysé les travaux. Les nouvelles élections se firent en grande partie sous son influence. La diète convoquée en 1839 ne se montra pas disposée à marcher dans les voies de celle qui l’avait précédée, ni à se rallier sous les mêmes chefs. A la chambre des états, la popularité de Széchény se voila de quelques nuages ; mais il ne perdit rien de son autorité à la table des magnats, et, toutes les fois qu’il le voulait encore, son éloquence et la renommée de ses services rendaient son intervention décisive. Dès les premières séances, la seconde chambre se prononça en faveur de Vesséliny : on voulait adresser une remontrance au roi, et protester contre les illégalités de son arrestation. La chambre des magnats s’opposa à ce projet. La seconde chambre revint dix-sept fois à la charge, et fut dix-sept fois repoussée ; de là les premiers symptômes de la mésintelligence que nous verrons peu à peu grandir entre les magnats et les députés. Les poursuites contre Vesséliny avaient cependant continué ; il fut condamné. Le gouvernement, satisfait de cette condamnation, ne voulut point heurter les sentimens des états, et le laissa sortir presque aussitôt de sa prison pour se rendre aux eaux de Groefenberg. Vesséliny, à la clôture de la diète, fut compris dans l’amnistie générale du mois de mai 1840. Il resta en repos ; on le perd de vue