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Si l’on réfléchit sur l’ensemble de ces dispositions qui s’appliquent, il ne faut pas l’oublier, à une population accoutumée pendant des siècles à regarder sa liberté, ses biens, sa vie, comme la propriété du souverain indigène dont elle subissait la domination avec une résignation insouciante, on sera forcé de reconnaître que le gouvernement hollandais, en adoptant ces principes à la fois sages et libéraux comme base de ses relations avec les peuples de l’archipel (avec ceux de Java en particulier), a su concilier habilement les exigences de la raison et de l’humanité avec celles de son propre intérêt.

Parmi les dispositions générales du règlement organique de 1836, qui ne sont pas directement relatives à la population indigène, il en est quelques-unes qui méritent d’être signalées. Nul ne peut fixer sa résidence aux Indes néerlandaises sans en avoir reçu l’autorisation préalable. — Les permissions de visiter les Indes néerlandaises ou de s’y fixer ne peuvent être accordées que par le gouverneur-général, selon les ordres donnés par le roi. — Tout étranger qui visite pour un temps les Indes néerlandaises est sujet à toutes les lois et ordonnances qui y sont en vigueur. — Les Chinois, les Maures[1], les Arabes et les autres étrangers non européens[2] qui se fixent aux Indes néerlandaises, sont placés sous l’autorité des chefs de leurs nations respectives. Ils y jouissent de plus de liberté que les Européens. Les Chinois, en particulier, sont traités par le gouvernement avec une faveur marquée[3].

La question de la résidence des étrangers européens à Java, et même celle de leur séjour temporaire dans la colonie, semble avoir toujours sérieusement préoccupé le gouvernement colonial. Une prudence exagérée a parfois influencé ses décisions ; mais c’est un devoir

  1. On désigne à Java, sous le nom de Maures, les émigrés mahométans de la côte orientale de l’Inde anglaise.
  2. Malais, Bouguis, etc.
  3. Une singulière erreur a été commise à cet égard par un Français qui, au retour d’un voyage et d’un court séjour à Java, a jugé utile de publier, il y a quelques années, les principaux renseignemens qu’il avait recueillis sur les diverses sources de revenus de la colonie. « Parmi les taxes levées sur les Chinois, dit-il, il en est une qui se distingue par son étrangeté. Nul Chinois ne peut porter la queue ou laisser croître les ongles sans payer une redevance d’une piastre par an. Tout Chinois arrêté dans un lieu public sans pouvoir produire sa quittance paie une seconde fois, sous peine d’être conduit immédiatement chez un barbier, qui lui coupe la queue et les ongles ! » Un fonctionnaire des Indes orientales néerlandaises, scandalisé de la crédulité de notre voyageur, a relevé vivement cette erreur et quelques autres dans une petite brochure imprimée à Utrecht en 1843. Le fait est que les Chinois, soumis à une capitation ou impôt personnel des plus modérés, jouissent à Java de plus de liberté qu’aucune autre nation étrangère Tout Chinois nouvellement arrivé à Batavia peut, après avoir donné la caution prescrite par la loi, parcourir l’île d’un bout à l’autre et se fixer où bon lui semble, tandis qu’un Européen non Hollandais n’obtient qu’un permis de séjour temporaire qu’il paie 110 florins (de 220 à 230 francs), et il ne lui est jamais permis de sortir des limites du territoire de Patavia que pour des motifs urgens, dont l’appréciation est soumise au conseil.