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prouvèrent que la population de Venise avait compris l’appel du patriote dalmate.

La série des échecs était épuisée, et de nouveaux succès devaient suivre celui-ci. La congrégation municipale (sorte de conseil-général) engagea la congrégation centrale (sorte de représentation nationale) à réclamer du pouvoir la révision ou tout au moins la fidèle exécution de la loi de censure dans toutes ses parties. La loi de censure devenait une arme puissante de résistance légale à l’Autriche. Demander la fidèle exécution de cette loi, c’était se renfermer dans des limites assez étroites pour ne laisser au pouvoir aucun motif valable de refus. Aussi la majorité de la population concentra-t-elle d’abord sa sollicitude sur cette question, non qu’elle fût la plus importante de toutes celles qu’il y avait à résoudre, mais parce qu’elle se prêtait le mieux à un débat pacifique.

Tandis que la question de la censure préoccupait exclusivement la foule, les chefs de l’opposition ne s’en tenaient pas à cette première manifestation. Déjà ils cherchaient à transporter la lutte sur un nouveau terrain. C’est ainsi que procèdent toujours les éclaireurs politiques, et ceux qui règlent leur marche sur leurs mouvemens les taxent parfois de témérité et de précipitation, lorsqu’ils devraient reconnaître que sans ces chefs audacieux ils ne feraient jamais un pas vers des horizons nouveaux. Les peuples oublient trop souvent que l’on ne peut être à la fois le guide et le gardien, la lumière du phare et la flamme du foyer. Au moment même où Venise tout entière, son conseil municipal en tête, demandait à grands cris l’exécution de la loi sur la censure, MM. Tommaseo et Manin mirent en avant les promesses de 1815, ils parlèrent de l’indépendance promise par l’Autriche et garantie par les autres puissances. Quelques jeunes gens s’unirent à eux ; Venise vit paraître un grand nombre d’écrits de tout genre, lettres, pétitions, projets d’adresses, sur la question de l’indépendance. L’opposition à l’Autriche se révélait sous un nouvel et plus redoutable aspect.

Les promesses de 1815 n’avaient pas été faites seulement aux chefs du parti appelé à cette époque le parti libéral, et qui invoquait le protectorat