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avec toutes les nations de l’Europe, la Russie exceptée, c’était la durée de l’empire ottoman et son indépendance absolue ; le second, qui nous était particulier, c’était la consolidation, aux meilleures conditions, de l’établissement égyptien. Cela s’appelait, dans le langage parlementaire du temps, la question de Constantinople et la question d’Alexandrie. En voulant le maintien de l’empire ottoman, et comme moyen de le préserver l’intervention préalablement concertée des grandes puissances européennes, nous déplaisions à la Russie. En souhaitant la reconnaissance par la Porte de la quasi-indépendance de Méhémet-Ali, et, pour la mieux assurer, la concession à titre héréditaire des provinces qu’il possédait viagèrement, nous effarouchions l’Angleterre, toujours disposée à nous supposer d’ambitieux projets sur l’Égypte. Quelle circonspection ne fallait-il pas pour calmer tant d’ombrages ! Les ministres du 12 mai y auraient peut-être réussi, si l’intervention directe et patente du parlement français ne fût venue créer de nouveaux et plus grands embarras.

Ceux qui ont encore présente à la mémoire la discussion solennelle soulevée, en 1839, par une demande de crédits destinés aux armemens maritimes dans le Levant, n’ont pas oublié combien la marche ultérieure du gouvernement fut surtout déterminée par la manifestation des impétueuses espérances dont les principaux orateurs de la chambre des députés se firent les interprètes. Tristes effets de plusieurs crises ministérielles successives ! non-seulement la première impulsion n’était plus donnée à notre politique extérieure par les vétérans de notre diplomatie, par ceux qui connaissaient le fort et le faible des états étrangers, les secrets penchans des cours, et tout cet important dessous des cartes que nous avons cherché à révéler au public, mais la conduite même des plus délicates transactions était passée aux mains des membres de nos assemblées délibérantes. Par une inconcevable interversion de rôles, les ministres responsables aux termes de la constitution, et seuls en état de connaître la véritable situation, cédaient, en si grave occasion, l’initiative à une commission de la chambre des députés ; celle-ci ne se contentait pas de guider le gouvernement dans la voie scabreuse où il faisait dès-lors des pas timides, mais déjà peut-être irrévocables, elle le poussait avec une ardeur plus patriotique qu’éclairée. Après avoir fixé le but, elle n’hésitait pas davantage à préciser les moyens de l’atteindre. Dans la pensée de son rapporteur, M. Jouffroy, pensée qui rencontra sur les bancs de la chambre une constante et presque unanime approbation, c’était à peine si un vague accord entre les grandes puissances pouvait suffire à régler heureusement la question d’Orient. Forte de ses vues désintéressées, la France n’avait point de motif pour éviter de donner aux pourparlers déjà engagés une forme plus précise ; elle, avait tout à gagner à la création d’une sorte de congrès européen. Dans