Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/907

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gardien de ceux qui se lèvent en son nom, pousseront un cri, et on entendra jusqu’aux extrémités de la terre que les Roumains n’ont jamais rien pris aux Russes, et qu’ils ne veulent point les recevoir dans leur patrie. Les prêtres poseront l’Évangile, base de nos institutions, sur leur chemin, pour qu’ils le foulent aux pieds et qu’ils viennent asservir un peuple qui a toujours voulu leur bien et les a toujours soutenus dans leurs guerres. La Russie, jusqu’à ce jour, s’est dite garante de nos droits ; nous, dans notre cri de liberté, nous ne demandons que nos droits, et nous protestons d’avance auprès de la Sublime-Porte, de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre, contre toute invasion de notre sol qui viendrait troubler notre bonheur et détruire notre indépendance. »

Les Valaques étaient dupes d’une grave méprise : ils avaient compté sur un changement profond dans les idées de la diplomatie contemporaine, sur un appui franc et ferme de la part des cabinets de l’Occident. Et pourtant des symptômes caractéristiques leur indiquaient assez hautement qu’au milieu de leurs agitations intérieures la France et l’Allemagne songeaient peu à cette jeune démocratie roumaine, perdue derrière les Carpathes. C’était en vain qu’elle donnait cet exemple étrange et curieux d’un petit peuple sans organisation et sans armes portant un défi à la Russie. L’Autriche et la Prusse renonçaient en quelque sorte, momentanément du moins, à toute action extérieure ; l’Angleterre caressait la Russie, et, quant à la France, elle n’était représentée que temporairement à Jassy, et point du tout à Bucharest. Soit incertitude, soit volonté bien arrêtée de ne point s’immiscer dans une question si lointaine et tenue pour délicate, la France abandonnait à elles-mêmes ces populations, qui pourtant s’étaient engagées dans les voies révolutionnaires sur la foi du manifeste de la république naissante. Il est vrai que la légation française à Constantinople, qui avait débuté par être populaire et infiniment respectée, encouragea sur le premier moment les Turcs à entrer en rapports officiels avec le nouveau gouvernement valaque ; mais, lorsque la Turquie en vint à s’enquérir du genre de concours qu’elle pouvait attendre de la France, la réponse fut prudente plutôt qu’énergique, et les Turcs sentirent bien que, s’ils osaient reconnaître la révolution valaque, ils se trouveraient isolés avec leurs seules forces, aux prises avec le protectorat.

En dépit de ces craintes, tant que l’influence de Riza-Pacha, l’ennemi systématique des Russes, fut prépondérante dans le ministère ottoman, l’attitude du divan ne manqua ni de vigueur, ni de dignité. Les populations chrétiennes de l’empire, les Bulgaro-Serbes en particulier, émus profondément des menaces de la Russie, étudiaient avec anxiété ses intentions. Les Serbes, toujours prêts à prendre les armes, se fussent ralliés avec joie autour du ministre qui avait, en 1842, reconnu, protégé,