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qui conduit l’Europe orientale à sa régénération ne laissera pas de côté la race roumaine.


II

Si la Turquie aime mieux se transformer en se prêtant au développement des races chrétiennes que de périr en le contrariant, l’heure est venue pour elle de prendre à cet égard une politique franche et forte. Depuis long-temps travaillée intérieurement et profondément par la force vitale qui fermente au sein des peuples conquis, elle voit aujourd’hui cette force s’accroître de toute l’énergie de l’ébranlement imprimé à la France, à l’Allemagne, à l’Italie, aux Slaves autrichiens. Lorsque les Moldo-Valaques et les Bulgaro-Serbes étaient abandonnés aux seuls conseils de leurs souffrances et de leur ambition, il était déjà périlleux pour la race ottomane de méconnaître et d’irriter ce sentiment, de décourager ces espérances. Combien ne serait-il pas encore plus imprudent de blesser ce patriotisme en un moment où il se nourrit sans cesse d’émotions nouvelles, où, à chaque bruit apporté par les échos du Danube et reproduit des Carpathes aux Balkans, il éprouve une nouvelle surexcitation ! En présence des éventualités d’une semblable crise, il est consolant de voir que la politique suivie à Constantinople depuis plusieurs années, quoique timide, incertaine, au milieu des tiraillemens de la diplomatie européenne, indique un pressentiment des difficultés de cette situation. Si peu, en effet, que les ministres turcs soient familiers avec les mouvemens de l’esprit public, avec les agitations libérales et les allures de la pensée moderne, la question des races s’est présentée à leurs yeux sous une forme et sous un jour qui la leur rendaient intelligible. Dans le même temps où l’Autriche, tout en s’étudiant à tempérer l’illyrisme de la Croatie, songeait néanmoins à profiter de son alliance, et se préparait ainsi, sans le vouloir, un moyen de salut pour un grand jour de péril, la Turquie, par une rencontre favorable à l’ambition des Slaves méridionaux, posait, en s’unissant cordialement avec les Illyriens de la Servie, les bases d’une politique assez forte peut-être pour avoir les mêmes conséquences. Les analogies que l’on peut remarquer dans le passé et dans la condition présente des deux empires se prolongeraient donc, en quelque sorte, dans leur avenir. Et comme l’Autriche est en voie de puiser une vie nouvelle dans le principe des races, par lequel elle semblait condamnée à périr, de même la Turquie, en renonçant à ses vieux préjugés de peuple conquérant, en se séparant de ses traditions d’orgueil asiatique, en s’appliquant à concevoir cette idée féconde de l’égalité des races, en l’acceptant pour but de sa politique, reprendrait peut-être,