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dans le village de Bagolino ; le colonel Thanberg et ses mille volontaires un peu plus en arrière, sur la rive droite du lac d’Idro ; les Polonais à l’arrière-garde, et le général Durando, avec un corps de mille hommes, dans la forteresse de Rocca d’Anfo, position réputée imprenable, et qui domine un défilé si étroit, que deux hommes à peine peuvent passer de front. Ces divers corps formaient une petite armée de quatre mille combattans, pleins d’ardeur, et qui attendaient avec impatience le moment de rentrer en campagne. Quelques excursions sur le territoire occupé par les avant-postes autrichiens n’interrompirent que bien rarement la monotonie de leurs tristes loisirs. Elles procuraient aux volontaires l’occasion de se mesurer avec l’ennemi, de remporter quelques avantages insignifians ; mais elles leur révélaient en même temps l’implacable rancune de ces montagnards, qui ne pardonnaient pas aux Lombards de les avoir abandonnés au moment du danger. Les mêmes villages qui s’étaient ouverts avec empressement pour recevoir les légions lombardes se fermaient devant elles, ou ne leur accordaient qu’une hospitalité dérisoire. Le drapeau jaune et noir avait partout remplacé le drapeau tricolore. Les montagnards cachaient leurs provisions, s’ils n’aimaient mieux les vendre au poids de l’or. Leur mauvais vouloir fut quelquefois poussé jusqu’à la trahison. C’est ainsi qu’un corps de volontaires napolitains, poursuivant près de Storo un détachement autrichien, se laissa entraîner, par de perfides indications, dans un guet-apens où il essuya des pertes cruelles. Également suspects aux gouvernemens italiens et aux populations qu’ils venaient défendre, traités avec dédain par leurs propres chefs, ne recevant aucune nouvelle ni de leur patrie ni de leurs familles, couchant sur la dure, minés par la fièvre, sans même avoir de tentes pour s’abriter, les volontaires italiens purent se demander plus d’une fois quelle faute ils expiaient par de si rudes épreuves, quel sort étrange on réservait à leur patriotisme.

Dans les derniers jours de juillet, un ordre de marche vint enfin, mais c’était pour abandonner la frontière du Tyrol que les colonnes devaient se mettre en mouvement. Une grande surprise accueillit la notification de cet ordre. Pourquoi donc ouvrir aux Autrichiens un passage important et jusqu’alors gardé avec tant de sollicitude ? La paix était-elle signée ? Le général Durando ne répondit à ces questions qu’en recommandant l’obéissance, et il dispersa ses quatre mille hommes le long du lac de Garda, dans la direction de Brescia. C’est dans ces nouvelles positions que les volontaires passèrent les quelques jours qui s’écoulèrent de la fin de juillet au 5 août. Ce jour-là, le bruit du mouvement rétrograde de l’armée piémontaise et de sa marche sur Milan se répandit dans le camp des volontaires. Ceux-ci, presque tous Milanais, supplièrent qu’on les ramenât vers la capitale, si gravement me-