Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au commencement du voyage, il eut des chances diverses : ici, chef l’accueillait avec bienveillance et lui témoignait un ravissement enfantin en admirant un parapluie dont le voyageur lui avait fait présent ; là, un autre chef lui dérobait la plus grande partie de son bagage et le laissait seul, sans ressources et sans nourriture, réduit à recevoir l’hospitalité d’une vieille esclave. Il avait d’abord marché vers l’orient en ligne directe, mais la guerre le força de se détourner de la route qu’il avait choisie. Il dut remonter vers le nord. Non loin du lieu où le major Houghton avait péri, Mungo-Park fut fait prisonnier par les Maures, dont la conduite inhumaine a souvent contrasté avec les mœurs douces et affectueuses de la race indigène. Après une longue captivité, il parvint à s’échapper. Quand il se trouva seul dans le désert, sa misère était affreuse. Affamé, presque nu, désarmé, qu’allait-il devenir ? Dans son dénûment absolu, il se sentait pourtant le cœur rempli d’une grande joie, car il était libre de continuer son voyage. Une bande d’Africains, chassés de leur pays par la guerre et fugitifs comme lui, accueillit Mungo-Park, qui la suivit jusqu’à une ville appelée Sego. Là, sa constance fut récompensée par le succès : il eut la satisfaction de voir enfin le Niger. « Je courus sur le rivage, dit-il dans son récit, et, ayant bu de l’eau du fleuve, j’adressai de ferventes prières au souverain maître de l’univers »

En 1803, Mungo-Park fut chargé par le gouvernement anglais de recommencer son voyage. Il reçut l’ordre de descendre le cours du fleuve aussi loin qu’il le pourrait. L’expédition était composée de quarante-cinq personnes : trois officiers et quarante-deux soldats, marins et ouvriers. Mungo-Park prit la route qu’il avait suivie la première fois. Grace à son indomptable énergie, il atteignit encore le Niger ; mais en quel état ! il avait laissé sur son chemin quarante-deux de ses compagnons. Chaque jour, il enterrait ou il abandonnait deux ou trois hommes. Les animaux n’étaient pas plus épargnés. Au moment où il aperçut le fleuve, Mungo-Park vit mourir la dernière des bêtes de somme qu’il avait emmenées. Un lieutenant et trois soldats étaient encore vivans, mais leur état de maladie leur annonçait une fin prochaine. Le chef et l’ame de l’expédition, Mungo-Park lui-même, succombait sous les atteintes de la fièvre. Toutefois la pensée qui dominait cet esprit inébranlable était d’aller en avant à tout prix : sans perdre de temps, il construisit, avec trois embarcations du pays qui tombaient en ruines, une espèce de petit navire qu’il monta avec le reste de ses compagnons. D’abord, aucun accident sérieux n’interrompit leur navigation au milieu des Africains étonnés ; mais, après un voyage de plusieurs centaines de lieues sur le fleuve, ils arrivèrent à un endroit situé près de la ville de Boussa, où le cours du Niger est entravé par des roches noires. Ils y furent attaqués par des milliers d’indigènes armés d’arcs