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qu’il a persisté, malgré les représentations de ses amis africains, à réserver pour le roi du Bornou, avec qui Bello était en guerre, des présens, parmi lesquels il y avait de la poudre et des fusils. Quel gouvernement européen souffrirait qu’on portât, à travers son territoire, des armes à ses ennemis ? Mungo-Park est tombé victime des terreurs que les agrandissemens de l’Angleterre dans toutes les parties du globe ont répandues même au cœur de l’Afrique. C’est un des principes de la politique des chefs africains d’empêcher que les blancs n’acquièrent des notions exactes sur l’intérieur de leur pays, car ils regardent les voyageurs comme autant d’agens chargés de préparer les voies à l’invasion de l’Afrique. Cela est si vrai, qu’à l’époque où les frères Lander ont découvert l’embouchure du Niger, l’un des chefs des peuplades environnantes a fait mettre à mort l’Africain qui leur avait montré le chemin. Mungo-Park et Clapperton se sont donc trompés en ne comptant pas au nombre de leurs moyens de succès les ménagemens qu’exigeait la politique des gouvernemens africains.

D’autres voyageurs, comme le major Houghton où Richard Lander, ont été tués par des voleurs qu’ils avaient eu l’imprudence de tenter. La même conduite a, chaque jour en Europe, le même résultat. Dans aucun pays du monde, on ne voyage sans argent, ou sans ce qui en tient lieu. En Afrique, l’hospitalité des chefs se paie avec des marchandises. Si l’on traverse un territoire très divisé, occupé par un grand nombre de souverains indépendans, on est obligé de faire des cadeaux à chaque pas et de traîner avec soi un bagage considérable. C’est s’exposer à toutes les embûches que la cupidité peut dresser dans des contrées où l’autorité n’a aucune force pour faire respecter les voyageurs. Il est plus sage de ne traverser que les grands états tels que le Yarriba ou les pays soumis au souverain des Fellatahs. Les chefs y sont assez puissans pour assurer aux voyageurs la vie sauve dans les limites de leur territoire, et le présent qu’on leur apporte est chose sacrée. Il suffit donc d’être certain à l’avance de leur bon accueil et de leur désir de vous protéger.

Les Anglais, qui, d’ailleurs, ont fait de si grandes choses en Afrique, et qui y ont donné de rares exemples de courage et de constance, ont presque toujours commis la faute de s’y présenter, comme dans les rues de Londres, avec le plus souverain dédain pour les civilisations inférieures, et sans sacrifier aux circonstances la moindre de leurs idées et le moindre de leurs usages. Ils ont transporté dans le désert leur arrogance avec leur thé. Clapperton, à quatre cents lieues au moins dans l’intérieur, traite le puissant sultan des Fellatahs comme le dernier des vassaux du gouvernement britannique. Faut-il s’étonner que, dans un pays où la vie des hommes est comptée pour si peu, cette imprudente hardiesse ait contribué à sa mort, ardemment souhaitée d’ailleurs par