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les raisons d’état que nous avons dites ? La première condition à observer dans un voyage en Afrique, c’est de se faire Africain. Heurter les usages, violer les lois du pays, blesser les personnes, humilier et inquiéter les gouvernemens pousser l’audace jusqu’à braver inutilement un climat dangereux dans la pire saison et en négligeant les précautions inspirées par la plus ordinaire prudence, c’est courir, dans toutes les contrées, à une perte certaine. Ce premier point bien établi, nous passerons aux explorations dirigées sur le Niger, à la suite des nombreux voyages qui ont amené la découverte de ce fleuve.


II – EXPÉDITIONS DIRIGÉES SUR LE FLEUVE APRÈS LA DÉCOUVERTE

Les frères Lander, à leur retour, firent un récit merveilleux des richesses commerciales, répandues sur les bords du Niger. Richard avait vu, entre autres produits précieux du pays, des monceaux d’ivoire dans les villes et les villages riverains. La spéculation s’empara de sa découverte et chercha à l’exploiter. Des négocians d’Angleterre équipèrent deux navires en fer, le Quorra ou Kouarra et l’Alburka, pour faire la troque dans le Niger. Ces navires furent mis sous les ordres d’officiers de la marine royale d’Angleterre, MM. William et Bird Allen, qui tous deux devaient plus tard faire partie d’une nouvelle expédition dont il nous reste à rendre compte. Richard Lander était de l’entreprise.

Les bâtimens partirent de Liverpool à la fin de juillet 1832. Les préparatifs avaient été très longs. En outre, on ignorait alors quelle était la saison la plus favorable pour la navigation sur le fleuve. Lorsque les navires pénétrèrent dans le Niger, l’époque de la grande crue était passée. On était dans les derniers jours d’octobre ; les eaux baissaient rapidement. La marche des bâtimens, continuellement arrêtée par des bas-fonds, fut longue et pénible. Ce n’était là pourtant que le moindre des désappointemens qui attendaient les voyageurs. Tout d’abord on reconnut que la partie commerciale de l’entreprise n’avait pas la moindre chance de succès. Point d’ivoire ; il avait disparu. Sans doute les chefs l’avaient envoyé à la côte. Les maladies se déclarèrent au sein des équipages douze jours après l’entrée dans le fleuve. Enfin l’eau manqua sous la quille des navires. Le Quorra toucha le fond le premier ; l’Alburka échoua à son tour. Ils restèrent ainsi ensablés l’un et autre jusqu’à la crue de l’année suivante. Les commandans se hâtèrent d’en faire usage pour sortir de la rivière. Le plus grand nombre des hommes de leurs équipages avait succombé. Toutefois cette expédition eut un résultat intéressant, ce fut l’exploration, sur un espace de vingt-cinq à trente lieues, de la grande rivière Tchadda, qui se jette dans le Niger, et qu’on suppose traverser l’intérieur du Soudan jusqu’au