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attaché à la proue de chacune de ces embarcations ; elles contiennent, outre leur équipage de rameurs, jusqu’à vingt combattans. Le souverain d’Aboh peut réunir, dit-on, pour une « grande guerre » trois canots armés de cette façon. Aboh, par sa position à l’extrémité du delta, commande le Niger ; les rapports des populations de l’intérieur avec celles de la côte maritime peuvent être interceptés par le souverain de cette ville. Elle est l’entrepôt du commerce, et toutes les marchandises qui montent où qui descendent le fleuve lui doivent un tribut. C’est ce qui explique le développement de ces forces navales.

Dans toute l’étendue de l’Afrique, il est interdit aux commerçans d’un état d’en franchir les frontières. Des villes situées sur les limites des provinces sont les lieux d’échange où les populations des pays limitrophes viennent trafiquer entre elles. Par exemple, le territoire du roi d’Aboh a deux marchés : l’un, situé en bas du fleuve à l’endroit où expire le pouvoir de ce souverain ; l’autre, placé dans le haut du Niger, sur les confins du royaume d’Iddah. Au marché qui se tient en amont, les habitans reçoivent les produits de l’intérieur, et ils vont les échanger, en aval, contre les marchandises d’Europe apportées sur la côte. On conçoit quels profits assure cet usage aux tribus du bord de la mer, par les mains de qui passent exclusivement tous les objets de fabrique européenne, si précieux pour les Africains. Il n’est que trop vrai cependant que ces malheureuses peuplades sont les plus abruties et les plus vicieuses de l’Afrique. Leur état social est de beaucoup inférieur à celui des habitans des contrées centrales. Ceci peut être attribué à deux causes : la première est que la conquête musulmane ne s’est pas étendue jusqu’à l’Océan, et que les tribus païennes qui habitent les rivages de la mer paraissent être les débris de nations expulsées de l’intérieur, qui sont demeurées rebelles à la civilisation implantée en Afrique par les sectateurs du Coran ; la seconde, c’est que les Européens, avec les richesses de leur industrie, ont apporté à la côte d’Afrique leurs vices les plus dégradans : l’avarice, source du trafic des noirs, et l’ivrognerie. Quoi qu’il en soit, cette loi commerciale qui défend aux populations de trafiquer au-delà des pays qu’elles habitent est un obstacle aux développemens du commerce légal avec l’Afrique. En effet, les produits de l’intérieur ne parviennent que très difficilement à la côte, et la plupart du temps les tribus africaines au bord de la mer n’ont rien à échanger contre les chargemens de navires venus d’Europe. Il faut excepter pourtant de la règle générale les kafilah, ou caravanes, qui traversent au milieu de dangers de toute espèce une grande étendue de pays.

Les femmes dans le royaume d’Aboh sont célèbres pour leurs charmes. L’idéal de la beauté, dans cette partie de l’Afrique, est une obésité qui va jusqu’à ôter aux Vénus africaines la faculté de se mouvoir.