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de leurs effets ; ne gardons du passé que sa gloire et ses leçons, et travaillons avec la confiance de la force à l’avenir que nous sommes capables de nous faire. » M. Guizot aurait pu prendre ces paroles pour épigraphe de son livre. Il demeure fidèle à l’unité de sa vie. Après une révolution qui l’a lui-même brisé, il conserve la force d’ame de sa jeunesse et jette encore sur l’avenir un calme et intrépide regard.

La pensée de M. Guizot est si nette et si fortement gravée, que le dessin de la Démocratie en France peut se résumer en quelques pages.

La révolution française n’enfantera que des mécomptes, des avortemens et des malheurs, tant que la France ne prendra pas le parti de faire le triage définitif des idées contradictoires qui s’entrechoquent sous des mots vagues et sonores, répétés depuis soixante ans avec une superstition inintelligente. Il faut débrouiller le chaos que recouvre le mot démocratie. Ce mot est l’expression et le talisman de toutes les aspirations, de toutes les ambitions légitimes et illégitimes, honnêtes ou coupables de l’humanité. On l’emploie comme une devise sainte ; on s’en sert pour consacrer toutes les idées, toutes les mesures, toutes les institutions, sans prendre garde qu’il signifie à la fois le bien et le mal, qu’il désigne sous une forme nouvelle la lutte que les bons et les mauvais penchans se livrent au sein des sociétés, comme au cœur de l’homme. La constitution de la société française rend cette guerre universelle et incessante. Chez nous, le combat n’a plus lieu de classe à classe, accidentellement, sur des points isolés, car la société française n’est plus une réunion de classes divisées et juxtaposées ; elle n’est plus qu’un corps immense dont toutes les parties sont en fusion. Dans cette vaste unité, tout répond à tout, tout retentit partout. Cet état social est devenu la condition permanente de notre nation ; c’est dans ce milieu que la lutte est engagée, c’est dans ce milieu seulement que nous pouvons trouver les forces qui doivent l’apaiser et les garanties de la paix sociale.

Dans cette éternelle guerre civile, que le mal nourrit dans leur sein, les sociétés ont pour défenseur naturel le gouvernement. Le gouvernement doit résister, non-seulement au mal, mais au principe du mal, aux idées et aux passions qui enfantent le désordre. Ce rôle du gouvernement est plus nécessaire dans les sociétés démocratiques que dans les autres, précisément parce que la lutte y est plus universelle, plus directe, plus continue. Les gouvernemens démocratiques ont besoin de plus de vigueur, de plus de franchise, de plus de sévérité que les autres, parce qu’ils sont soumis, plus que les autres, au choc d’impulsions mobiles et contraires. Ceux qui, par vice d’organisation ou faiblesse de volonté, ne suffiront point à cette tâche périront et perdrons avec eux la démocratie. — Le gouvernement républicain, tel qu’il est sorti de la constitution ne répond point à ces exigences. Faibles