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prêt d’avance à sacrifier ses sympathies ou ses antipathies personnelles aux nécessités démontrées du salut commun. Nous répéterons ce que avons dit en commençant : nous jouissons d’un moment de calme dont nul ne peut prévoir la durée, et pendant lequel, si nous en voulons profiter, nous devons sonder le présent et l’avenir d’une main ferme et d’un jugement libre de préventions. La France va refaire ses institutions fondamentales, et ces lois organiques par lesquelles chaque intérêt, chaque force, chaque fonction de la société reçoit son rang, son moyen d’action et sa garantie, ont une bien autre importance pratique qu’une constitution écrite. L’indifférence avec laquelle le pays a assisté à la discussion du code constitutionnel rédigé par la présente assemblée nationale prouve le discrédit irréparable dans lequel la chimère des constitutions écrites est tombée. Ces constitutions ne sont plus considérées que comme créant une légalité provisoire, légalité utile, puisqu’elle est l’abri momentané sous le couvert duquel la nation travaille à faire passer sans cesse dans ses lois ses intérêts, son tempérament et son génie, qui sont sa seule constitution permanente et vivante. C’est par les lois organiques que la France peut conjurer les maux qui la menacent et combiner les forces saines et vives qu’elle renferme, de manière à corriger plus tard les vices mêmes de la constitution de 1848 ; c’est par ces lois que la France peut donner aux bases de la société toute leur force de résistance contre le flot qui les sape. À la veille de l’élection d’une nouvelle assemblée devenue inévitable, voilà la situation décisive devant laquelle il faut que tous les citoyens qui veulent arracher pour toujours la France aux anarchies révolutionnaires descendent en eux-mêmes, interrogent scrupuleusement leur conscience et arrêtent avec résolution leur conduite future.

Dans ces circonstances, l’alliance des deux grands partis que nous avons nommés tout à l’heure est plus qu’une nécessité, elle est un devoir : elle est une des espérances de la France. Il est bien entendu, quand nous demandons l’alliance de ces deux partis, que nous ne voulons parler d’aucun compromis hostile à la légalité actuelle. Ces partis ont trop de patriotisme, de lumières et d’esprit politique, pour descendre jamais jusqu’à faire à un gouvernement établi, quel qu’il soit, une des oppositions factieuses qui finissent, ainsi que nous l’avons vu en février, par le naufrage de la société même. Le parti légitimiste et l’ancien parti constitutionnel, comme le fait observer M. Guizot, représentent autre chose que des idées de monarchie aujourd’hui proscrites, ou des affections personnelles. L’un représente tout ce qu’il y a de traditionnel, de national, tout ce qui reste de vital et de glorieux dans l’héritage que l’ancienne société française a transmis à la société nouvelle ; l’autre comprend ces classes actives, laborieuses, commerçantes, libérales, qui s’élèvent et s’élargissent sans cesse par la diffusion des