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L’hermine vierge de souillure,
Qui, pour abriter leurs frissons,
Ouate de sa blanche fourrure
Les épaules et les blasons ;

Le vif argent aux fleurs fantasques,
Dont les vitraux sont ramagés ;
Les blanches dentelles des vasques,
Pleurs de l’ondine en l’air figés ;

L’aubépine de mai qui plie
Sois les blancs frimas de ses fleurs ;
L’albâtre où la mélancolie
Aime à retrouver ses pâleurs ;

Le duvet blanc de la colombe
Neigeant sur les toits du manoir,
Et la stalactite qui tombe,
Larme blanche de l’antre noir ;

Des Groenlands et des Norvèges
Vient-elle avec Seraphita ?
Est-ce la madone des neiges ;
Un sphinx blanc que l’hiver sculpta,

Sphinx enterré par l’avalanche,
Gardien des glaciers étoilés,
Et qui, sous sa poitrine blanche,
Cache de blancs secrets gelés ?

Sous la glace où calme il repose,
Oh ! qui pourra fondre ce cœur ?
Oh ! qui pourra mettre un ton rose
Dans cette implacable blancheur ?


THÉOPHILE GAUTIER.