Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


REVUE LITTÉRAIRE.




LES LIVRES ET LES THÉÂTRES.




S’il y a lieu de se laisser distraire des paisibles intérêts de l’art par les agitations publiques, n’y a-t-il pas aussi, pour ceux du moins que la mêlée et le bruit attirent peu, un plaisir mystérieux et bizarre à rester fidèles à la cause de l’imagination et de l’esprit, au moment même où cette cause est désertée, trahie ou compromise par de tumultueux entraînemens ? Cette fidélité posthume, cette étude, attentive encore au milieu de tout ce qui préoccupe ou absorbe, n’est-elle pas pour les délicats un moyen de protester, à leur manière contre cette funeste tendance qui, aux époques de crise, pousse presque tous les esprits, sans distinction d’aptitude, à toucher au gouvernail, à prendre part à la manœuvre, oubliant que c’est au contraire en se maintenant dans le cercle fixe par leurs vocations ou leurs habitudes qu’ils peuvent concourir à la prospérité de l’ensemble ? Quoi de plus instructif, d’ailleurs, et de plus attrayant, que de suivre, dans leurs phases parallèles, dans leurs infortunes partagées, la société et l’art, aux prises avec les émotions, les anxiétés révolutionnaires ! L’homme que ces émotions attristent et froissent, qui ne les croit pas absolument nécessaires au bonheur du genre humai ne trouve une espèce de revanche, d’indemnité intellectuelle, à prouver, par de récens et irrécusables exemples, que toutes les républiques n’ont pas leur Phidias et leur Périclès, leur Euripide et leur Platon. Prise à ce point de vue, l’étude dont nous parlons amènerait à dire, sur la période qui vient de s’écouler, bon nombre de vérités aussi piquantes que des malices ; mais il y a aujourd’hui mieux à faire qu’à contenter des rancunes légitimes, à proclamer des vérités évidentes. Il est un aperçu plus