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socialisme a sa racine dans l’esprit révolutionnaire, qui n’est lui-même qu’un développement de l’esprit philosophique et antireligieux. Le jour où la raison individuelle s’est déchaînée dans le monde, le triomphe du mal a commencé. Après avoir miné sourdement ou attaqué en face, pendant trois siècles, toutes les croyances religieuses, elle est montée à l’assaut des institutions ; après avoir renversé la monarchie absolue et les vieilles aristocraties, elle ne connaît plus de frein, et s’acharne aujourd’hui sur les seules institutions qui restent debout, la famille et la propriété.

L’esprit philosophique et révolutionnaire, voilà l’ennemi. Il faut donc ranimer les vieilles croyances, seules capables de nous rendre le respect de l’autorité, le sentiment de la discipline et de la hiérarchie, de contenir les ambitions effrénées et les cupidités insatiables ; en un mot, la religion catholique est aujourd’hui l’unique rempart qu’on puisse opposer au socialisme, nom nouveau d’un vieil ennemi, savoir, l’esprit démocratique, philosophique ou révolutionnaire, comme on voudra.

Les deux opinions que je viens d’indiquer, parfaitement d’accord dans une aversion commune pour toute réforme sociale, sont cependant d’une origine fort différente. L’école des optimistes, qui croit la société actuelle sans défaut, accepte franchement la révolution ; l’école néocatholique s’y résigne sincèrement peut-être, mais à coup sûr elle ne l’aime pas et ne peut pas l’aimer. Qu’elle continue aujourd’hui sa croisade contre la philosophie, cela n’a rien de surprenant ; mais, ce qui a causé un étonnement fort naturel, ce que, pour notre part, nous refusons de croire, c’est que des hommes qui ont associé leur carrière et leur gloire à la cause de la révolution se soient enflammés d’un zèle subit pour la tradition catholique, et ne veuillent reconnaître d’autre sauvegarde à notre société, fondée par l’esprit nouveau, que la foi de saint Anselme et de Bossuet. Le socialisme aurait fait là un prodige. Lui qui promettait tant de choses impossibles en aurait réalisé au moins une : c’est d’allier contre la philosophie les pieux fils des croisés avec les enfans de Calvin et de Voltaire.

Nous ne saurions protester avec assez de force contre ces deux tendances funestes des esprits : l’une, qui endort la société dans un optimisme trompeur, dans une immobilité pleine de périls ; l’autre, qui prétend rejeter la société en arrière et faire capituler la révolution et l’esprit humain.

Je m’adresserai d’abord aux optimistes, et je leur dirai : Vous pensez que la révolution française a opéré toutes les grandes réformes dont la vieille société sentait le besoin. La société nouvelle, fondée sur la base de la vraie liberté et de la vraie égalité, vous paraît une œuvre admirable. Je l’admire et l’aime autant que vous ; mais est-elle parfaite ? Tant