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d’avoir créé pour ainsi dire une industrie nouvelle à Java et d’avoir mis en jeu des capitaux considérables qui répandent dès à présent dans les districts sagement et paternellement administrés une vie une aisance inaccoutumées. Après avoir, constaté ces avantages, nous devons constater aussi un abus contre lequel le gouvernement colonial fera bien de se tenir en garde. C’est lui-même qui malheureusement a introduit dans le système des cultures un élément dangereux tant au point de vue moral qu’au point de vue matériel. Je veux parler des commissions accordées aux fonctionnaires des différens ordres, tant européens qu’indigènes, à l’effet d’activer la production, commissions connues à Java sous le nom de pour-cents des cultures[1].

Il était utile, il était même nécessaire d’intéresser la population indigène, par l’intermédiaire de ses chefs, à l’établissement et au développement du nouveau système ; mais il était, selon nous, immoral et dangereux de faire participer les employés européens, déjà libéralement rétribués, à des avantages de cette nature. L’appât d’un cumul d’autant plus lucratif que les cultures spéciales recevraient un accroissement plus considérable devait entraîner inévitablement ces fonctionnaires à négliger, dans l’intérêt de ces cultures, la production annale des céréales, cette base si importante de la prospérité et de la tranquillité publiques.

C’était déjà une tâche assez difficile que celle de surveiller l’application du système, de façon à en retirer tous les avantages possibles, en respectant les habitudes et les institutions locales ; mais cette tâche devenait plus ardue encore du moment où l’intérêt particulier était mis en jeu et où le fonctionnaire se trouvait invité, pour ainsi dire, à réclamer de l’avenir une récompense autre que celle que lui promettait le simple accomplissement de son devoir. Le pouvoir, ou au moins l’influence presque illimitée dont jouissent les résidens à Java, favorise nécessairement cette tendance à retirer la plus grande somme possible d’avantages de la position qui leur a été faite par le gouvernement. Les employés de grades inférieurs sont mus par des considérations semblables et concourent fatalement à créer, à maintenir, à augmenter

  1. Sur la livraison nette et réelle de café, les résidens, résidens-adjoints, régens, contrôleurs, patties et chefs de districts, ont 6 cents (environ 10 centimes) par picol (125 lb. de Hollande) ; les chefs de dessas, 24 cents ou environ 40 centimes par picol.
    Sur la livraison brute de sucre, les résidens reçoivent 10 cents par picol, ainsi que les régens et chefs de district ; les patties, 2 cents ; les chefs de dessas, 8 cents.
    Sur la livraison brute d’indigo, les résidens, 4 cents par lb. ; les régens, 8 cents ; les chefs de district, 4 cents ; les patties, 1 cent ; les chefs de dessas, 3 cents.
    Ces chiffres peuvent varier suivant les résidences, mais le chiffre moyen de ces allocations ne s’écarte pas sensiblement de ceux que nous venons d’indiquer. Le montant annuel des pour-cents l’emporte fréquemment sur le traitement que le fonctionnaire reçoit du gouvernement.