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en outre des vols et des concussions privées, « si bien, dit énergiquement le comte de Modène, quà l’exemple du Colisée de Rome, la grandeur de ce royaume n’était plus remarquable que par celle de ses ruines. » Plus de trente mille sujets napolitains avaient été contraints par la rigueur des impôts d’abandonner leur pays natal et d’aller demeurer dans les états du grand-seigneur, d’où ils avaient publié, à la honte de l’administration espagnole, « que celui qui, à peine pour dix pistoles, pouvait satisfaire aux gabelles de Naples, satisfaisait pour dix carlins à toutes celles du Turc. »

Les choses étaient venues à un tel point sous le règne de Philippe IV, que l’amiral de Castille, qui fut le prédécesseur du duc d’Arcos, ne voulut pas être plus long-temps l’instrument d’un système de spoliation qui devait finir par pousser les peuples à bout. Ses représentations contre les demandes continuelles de subsides ayant été mal reçues par la cour de Madrid, il envoya sa démission au roi. Je ne veux pas, dit-il, laisser briser entre mes mains le beau cristal qui m’a été confié. Don Rodrigue Ponce de Léon, duc d’Arcos, fut nommé à sa place. Dix-huit mois environ après l’arrivée du nouveau vice-roi, la révolution éclatait. L’occasion immédiate du soulèvement fut l’établissement de l’impôt extraordinaire sur les fruits, mais les causes en étaient anciennes et profondes. Toutes les classes de la population avaient été exaspérées de longue main contre les Espagnols. Le cri de révolte poussé dans le marché par quelques enfans fut aussitôt répété dans toute la ville et par tout le royaume. La garnison surprise n’opposa aucune résistance ; elle eût d’ailleurs été beaucoup trop faible contre une nation qui se levait. On avait rarement vu jusqu’alors une révolution aussi prompte et aussi facile. Depuis, pareille chose s’est reproduite plusieurs fois, même sans motifs apparens, et, en fait de promptitude, il devait être donné à la furie française de dépasser même la furie napolitaine ; mais, dans ce temps-là, il fallait qu’une insurrection fût bien nationale, pour réussir ainsi tout d’un coup.

Non-seulement cette sédition était des plus légitimes, mais les chances les plus favorables semblaient se réunir pour en assurer le succès. L’Espagne était alors au plus fort de cette guerre universelle qui a rempli tout le milieu du XVIIe siècle et qui avait autorisé le roi catholique à faire frapper sur ses monnaies cette fière devise : Todos contra nos, y nos contra todos. Les provinces unies des Pays-Bas, fortes de l’alliance de la France, achevaient de conquérir leur indépendance par de nombreuses victoires remportées sur mer et sur terre contre les armées et les flottes de l’Espagne. Ces vieilles bandes qui avaient fait si long-temps la terreur de l’Europe venaient d’être anéanties à la bataille de Rocroy, et de tous côtés les étendards espagnols battaient en retraite. Puis 1640, le Portugal et la Catalogne, dans le cœur même de la