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au dénonciateur, et le restant au peuple ; que toutes personnes qui auraient des grains ou des farines outre et par-dessus leur besoin domestique réglé à un tomolo par mois pour chacun, seraient obligées de les vendre publiquement sous peine corporelle et à l’arbitrage du peuple. » On reconnaît aisément dans ces prescriptions la pure tradition démagogique. Ainsi vont les révolutions, se copiant sans fin les unes les autres.

La même ordonnance du 16 octobre portait aussi « qu’aucunes personnes, de quelque grade et condition qu’elles fussent, n’eussent à prendre les armes contre le peuple, à peine d’être tuées impunément et de la confiscation de tous leurs biens, applicables, le quart au meurtrier et le reste au peuple ; que tous les incendiés et autres bannis, étant trouvés passé deux jours à Naples ou dans son ressort, pourraient être tués impunément, et leurs biens confisqués, le quart en faveur de l’homicide et le restant en faveur du peuple. » Cette ordonnance avait, comme on voit, inventé un nouveau genre de crime ; par cela seul qu’on avait eu sa maison brûlée, qu’on était incendié, on était coupable et proscrit. Par ces mesures violentes, les meneurs espéraient détourner la colère publique et continuer en paix leurs exactions ; mais, quand la réaction contre les fureurs et les folies est une fois commencée, elle ne s’arrête guère. La noblesse et la bourgeoisie, spoliées et décimées, se tournaient de plus en plus vers les Espagnols. Cette domination étrangère, qu’on regardait avec raison, trois mois auparavant, comme intolérable, on en était venu à la regretter, à l’implorer comme un bienfait par la comparaison. Le peuple lui-même, quand il avait satisfait sa colère contre les nobles et les capes noires, comprenait qu’il s’engageait dans une voie sans issue et aspirait sourdement à revenir sur ses pas.

Ce fut alors que, ne sachant plus à quel saint se vouer, et ne voulant pas cependant encore en avoir le démenti, le peuple de Naples imagina d’aller chercher un prince à l’étranger pour le mettre à la tête de la république. Des mariniers de Procida, qui étaient allés à Rome dans une felouque pour y vendre des fruits, rapportèrent à leur retour qu’ils avaient vu dans cette ville un prince issu de l’antique maison d’Anjou, qui avait régné autrefois sur Naples. Ce prince était Henri de Lorraine, duc de Guise, comte d’Eu et prince de Joinville, petit fils du Balafré ; il avait été dans sa jeunesse archevêque de Reims, mais le sang des héros de la ligue bouillait dans ses veines ; il s’était précipité, la mître en tête, dans les conspirations et les guerres civiles ; puis il avait jeté le froc aux orties, et, obligé de vivre dans l’exil après la défaite de son parti, il avait épousé une riche veuve des Pays-Bas, la Comtesse de Bossu. En ce moment, il était à Rome pour solliciter l’annulation de son mariage avec la comtesse de Bossu, afin d’épouser