Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre et la lumière y rentrent, quand une fois le chaos y a été mis. Le résultat de la politique que nous a conseillée tout à l’heure M. de Lamartine serait de commencer par créer le chaos européen ; je repousse absolument cette politique, je la repousse comme aussi illégitime en principe que mauvaise dans la pratique, et si, par malheur, le gouvernement la pratiquait, si la chambre la lui conseillait, tenez pour certain que la cause de l’Italie serait compromise et peut-être perdue, et que la France ne serait pas innocente de cette perte. »

Ces paroles prophétiques se sont réalisées. La politique conseillée par M. de Lamartine s’est violemment substituée à la politique pratiquée par M. Guizot, et la cause de l’Italie a été dès-lors compromise et peut-être perdue, et la France n’a pas été innocente de cette perte ! « Quand le mouvement qui domine l’Italie a éclaté, disait encore M. Guizot, il nous a inspiré beaucoup de sympathie et beaucoup de sollicitude. Je suis profondément convaincu que les états d’Italie, et les états romains en particulier, ont besoin de profondes et nombreuses réformes, et que ces peuples y ont droit. S’il n’y avait en Italie que le besoin et le désir de ces réformes, je m’en inquiéterais peu ; mais il y a autre chose, il y a dans les dispositions d’une grande partie des populations italiennes, dans les intentions des hommes qui agissent sur elles, un sentiment qui va bien au-delà du perfectionnement intérieur des gouvernemens, il a le désir d’un remaniement de territoire, de l’un de ces faits qui ne s’accomplissent que par la guerre et les révolutions. C’est cette tendance qui nous inquiété, nous ne voulons pas y concourir. Nous croyons qu’une telle entreprise, dans l’état actuel de l’Europe et du monde, serait impraticable et chimérique. Nous croyons de plus qu’elle pourrait conduire à donner, pendant un certain temps, dans tel ou tel état italien, la prépondérance à des passions et à des idées anarchiques que nous ne seconderons nulle part. »

Combien serait différent de son état actuel de ruine et de désolation le spectacle que présenterait l’Italie, si elle avait compris ces sages avis ! Au mois de janvier 1848, des institutions nouvelles s’établissaient à la fois dans tous les états italiens ; le pape le premier, le saint et généreux Pie IX, et, avec lui, le roi de Naples, le roi de Piémont, le grand duc de Toscane, donnaient des constitutions à leurs peuples ; un souffle de vie, d’espérance et de liberté pénétrait de toutes parts cette noble terre ; la Lombardie elle-même avait droit d’espérer, non une indépendance complète qui était impossible dans l’état de l’Europe, mais des institutions administratives plus libérales, et peut-être une sorte d’indépendance de fait sous le gouvernement d’un archiduc ; le commerce, l’agriculture, les lettres, les arts, prenaient l’essor, le progrès était sensible partout. Après un an d’un pareil régime, d’immenses