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chaque fois de riches cargaisons dont on évalue la valeur totale à 1,470,000 florins d’or[1]. En étendant leur commerce, les Hollandais sentirent le besoin de le protéger, En 1547, la seule ville d’Enckhuysen, où s’étaient fixés les plus habiles apprêteurs de harengs arma huit vaisseaux pour escorter et surveiller ses barques. Six ans après, la même ville comptait vingt bâtimens de guerre, dont les frais d’armement étaient prélevés sur les produits de la pêche et qui devaient défendre au besoin les cent quarante barques envoyées à la poursuite des harengs. Cet état de prospérité se maintint ou s’accrut même rapidement pendant plus d’un siècle. En 1603, la somme produite par l’exportation totale fut de 43,397,500 francs. En 1606, l’exportation pour les pays du Nord seulement atteignit, d’après Walter Raleigh, la somme de 34,225,000 francs. En 1615, il sortit des ports de Hollande 2,000 buyses montées par 37,000 pêcheurs. Trois ans après, le nombre de ces bâtimens s’éleva à 3,000 portant 50,000 marins, exclusivement occupés de la capture des poissons, tandis que 9,000 autres bâtimens de tout genre, montés par 150,000 hommes, protégeaient et surveillaient la pêche ou servaient au transport et à la vente de ses produits. À cette époque, les Hollandais fournissaient des harengs salés aux quatre parties du monde. Ils en envoyaient dans tous les royaumes d’Europe. Ils expédiaient des cargaisons entières pour Smyrne et Constantinople ; ils approvisionnaient les ports de la Grèce, de l’Italie et les échelles du Levant, qui répandaient ensuite ces poissons dans toutes les contrées voisines ; enfin, leurs salaisons traversaient l’Atlantique et arrivaient par masses jusqu’au Brésil.

La pêche hollandaise avait atteint alors son apogée. À partir de ce moment, on voit se prononcer un mouvement de décadence. Les compagnies anglaises commençaient à se former, et Charles Ier les encourageait de tout son pouvoir. Déjà Jacques Ier avait cherché à se soustraire au traité de 1494. Il n’avait permis aux Hollandais de continuer leurs pêches sur les côtes d’Angleterre qu’à la condition de payer certains droits. Charles renouvela ces ordonnances, et, tandis que Selden et Grotius discutaient dans leurs écrits sur la souveraineté des mers, ce souverain arma, en 1636, une flotte puissante dont il confia le commandement au comte de Northumberland. Celui-ci surprit les Hollandais sur les côtes d’Angleterre, attaqua leurs vaisseaux, en coula plusieurs, et força le reste à venir dans les ports de la Grande-Bretagne signer une convention par laquelle les Provinces-Unies achetèrent le droit de pêche par une redevance de 30,000 florins.

L’expérience acquise par une longue pratique, la supériorité de leurs salaisons, auraient permis aux Hollandais de lutter facilement contre la concurrence anglaise, et ils se seraient aisément relevés de cet échec,

  1. Environ 30,870,000 francs.