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qui déclare que ce gouvernement, par la grandeur de ses services, a bien mérité de la patrie ; puis ils demandent qu’une commission de cinq membres soit déléguée pour exercer le pouvoir exécutif. Les candidats recommandés au choix de l’assemblée sont MM. Arago, Marie, Garnier-Pagès, Lamartine et Ledru-Rollin. M. de Lamartine voit un à un les représentans qui hésitent. Il invoque auprès d’eux l’esprit de conciliation, leur signale le danger qu’il y aurait, en présence des fermens d’insurrection qui brûlent encore les pavés de Paris, à persister dans leur résistance provinciale ; il leur donne sa personne en garantie que le nouveau gouvernement réparera les fautes et les erreurs commises ; il leur exagère la puissance de M. Ledru-Rollin, plus redoutable au dehors qu’au dedans de la commission exécutive, où il sera contenu par l’esprit modéré de la majorité de ses membres ; il leur persuade que cette transaction non-seulement est généreuse, mais patriotique, puisqu’elle sauvera la France d’un horrible déchirement. Cette dérogation à leur mandat sollicitée des représentans du pays est vainement combattue par quelques voix courageuses : l’assemblée déclare presque à l’unanimité que le gouvernement provisoire a bien mérité de la patrie, et institue une commission exécutive composée de MM. Arago, Marie, Garnier-Pagès, Lamartine et Ledru-Rollin.

Si nous nous sommes étendu sur ces deux premiers actes de la constituante, c’est qu’ils ont en quelque sorte décidé de sa marche ultérieure. On les considéra dans les départemens comme une déviation de la ligne politique tracée par le mouvement électoral. De toutes parts, des plaintes s’élevèrent contre l’assemblée. Envoyée pour combattre l’esprit révolutionnaire, elle était tombée sous son joug dès le premier jour.

Pendant que Barbès, Blanqui et Sobrier, confians dans la tolérance et les sympathies de la commission exécutive, multipliaient les clubs, enrégimentaient les ouvriers et les préparaient à une insurrection pour s’assurer le gouvernement de la république, la résistance s’irritait dans les départemens et devenait chaque jour plus énergique. Les journaux ne se bornaient plus à dénoncer ces coupables menées ; ils menaçaient le pouvoir central de représailles et d’opposition matérielle. L’impôt des 45 centimes ne se recouvrait pas. Les uns refusaient de le payer, parce qu’ils ne voulaient point se dessaisir de leurs dernières ressources, les autres, parce que c’était pour eux un moyen de protester contre un gouverne livré à des mains suspectes. Sûr de voir éclater dans la capitale quelque conflit sanglant, on était résolu, quelle qu’en fût l’issue, à laisser le télégraphe étendre ses bras sans lui permettre d’entraîner encore la France dans une nouvelle révolution. Des hommes de cœur s’entendaient entre eux et se promettaient mutuellement, le cas échéant, de résister à main armée et en rompant toute communication