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mais aussi pour relâcher les liens de dépendance qui mettent les provinces à la merci d’une insurrection victorieuse dans la capitale : telle est la pensée politique de la dernière session des conseils-généraux. Elle est le résultat d’une longue souffrance et d’une conviction formée au spectacle des malheurs et des déchiremens de la patrie. Ce serait en vain qu’on voudrait l’étouffer.

La publicité des séances de ces assemblées eut un immense retentissement. Cette innovation attisa en quelque sorte l’ardeur politique des départemens. Le public assistait avec empressement aux délibérations. C’étaient pour lui, sur une scène plus restreinte, les débats de la représentation nationale. Plus les orateurs agrandissaient le cercle de la discussion, plus ils éveillaient l’intérêt de leur auditoire. Si nos constituans ont pensé qu’il serait encore possible, en présence de la foule excitée par nos querelles et nos luttes de partis, d’enfermer les conseils-généraux dans la sphère administrative, ils se sont étrangement trompés. Cette réserve n’est pas compatible avec le régime de la publicité ; lorsqu’on ouvre un forum, il faut s’attendre à voir naître des tribuns. Les tribuns n’ont pas encore paru, mais on a pu voir à quelles opinions le public accordait ses applaudissemens. En tous lieux, la popularité s’attachait aux conseillers qui s’exprimaient avec le plus d’énergie contre les doctrines révolutionnaires et sociales prêchées dans la capitale. Comme le suffrage universel, la publicité des assemblées départementales a trahi l’espoir de ceux qui l’ont proclamée : elle a fortifié et étendu l’influence du parti modéré.

Dans plusieurs départemens, à l’occasion de la réunion des conseils-généraux, il s’est formé des comités pour préparer les élections générales. Ces comités sont en relation avec des sous-comités d’arrondissement et de canton. Les hommes les plus considérables de chaque localité en font partie. Ils se réunissent et correspondent entre eux ; ils s’éclairent mutuellement sur les titres des candidats, sur leurs chances de succès, sur les forces et sur les manœuvres de leurs adversaires. Ces associations combinent les efforts individuels, donnent du courage aux timides et disciplinent les plus ardens. Avec elles, le triomphe des hommes dévoués à l’ordre paraît assuré. Que le parti démocratique compare ces centres d’action avec ceux qu’il essayait de former sous l’ancien gouvernement : il verra la différence. Il s’agitait dans la capitale, faisait des manifestes, enregistrait bruyamment quelques rares adhésions lorsqu’il avait pris soin de les rédiger lui-même et de se procurer quelque partner complaisant pour les lui adresser ; il énumérait ses comités mais ces comités n’existaient que dans ses espérances, et il ne trouvait qu’à grand’peine, dans chaque localité, deux ou trois partisans. C’est qu’il parlait au nom de passions factices et invoquait mensongèrement le salut du pays. Le pays était tranquille, et quelques