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deux degrés, la première par le suffrage direct, mais non universel. Pour avoir droit d’élire la première chambre, il faut soi-même payer un impôt personnel (Classensteuer) de 10 thalers, ou posséder une propriété de 5,000 thalers. Les élections primaires d’où sortent les électeurs définitifs de la seconde chambre, ont eu lieu le 22 de ce mois ; on a procédé le 29 à l’élection directe les membres de la première chambre. La question posée devant l’urne du scrutin était simple et décisive : — Doit-on reconnaître la charte royale du 5 décembre comme une constitution valable, et faut-il dès à présent lui accorder force de loi, quoique elle ait été octroyée et non pas discutée ? Il y a, d’un côté, des gens qui la trouvent trop libérale et la repoussent comme une source inépuisable de révolutions parce qu’elle contient l’absolue liberté de la presse et des clubs, la complète dispense de cautionnement et de timbre pour les journaux, etc. ; ils ne parlent d’y toucher que pour la détruire, Il en est d’autres, au contraire, et plus nombreux, qui l’accusent d’être une œuvre de réaction, par cela seul qu’elle est, dans la forme, une concession du roi, au lieu d’être une conquête sur le roi. Les gens raisonnables, qui, sans se préoccuper outre mesure de la question de forme, font la part des circonstances et admettent en principe la charte octroyée pour se tirer enfin d’une complication de plus en plus anarchique, les gens qui se trouvent suffisamment armés contre l’origine de bon plaisir d’où leur vient la constitution par le droit de révision qui y est inscrit, ces gens-là sont les plus nombreux de tous ; mais il y a lieu de croire, d’après le cri de triomphe des partis avancés, que le vote des électeurs primaires ne les a pas favorisés, et il se pourrait bien, il serait fort dans l’humeur prussienne, que le prochain parlement se heurtât et s’accrochât tout d’abord à cette question préalable : — La constitution du 5 décembre est(elle ou n’est-elle pas ? Tout serait alors à recommencer, et à qui la faute, sinon à la défaillance des amis trop relâchés de l’ordre et de la paix ? Il faut dire cependant que les noms sortis de ces élections primaires étaient à peu près tous assez obscurs ; on ne saurait avoir une connaissance très positive des nuances qu’ils représentent, et déjà même dans plusieurs endroits on s’inscrit en faux contre les résultats glorifiés par les meneurs du parti démocratique. Les élections de la première chambre seraient, à ce qu’on nous assure, menacées d’une autre manière par cette mollesse que nous reprochons à l’opinion modérée. C’est le propre des opinions extrêmes d’être toujours et à tout prix sur la brèche ; celles-ci se sont, à ce qu’il paraît, portées en masse sur les listes électorales, où elles ont scrupuleusement consigné toutes leurs forces : à l’opposé de cet empressement, beaucoup de modérés auraient négligé de constater leurs titres et d’établir leur cens. Il y a partout aujourd’hui de ces sages personnes qui ne demandent qu’à vivre tranquilles, et qui ne veulent pas faire les frais de leur tranquillité : celles-là sont évidemment partout les gros bataillons ; mais, tant qu’il n’y a pas derrière elles d’impulsion énergique, elles arrêtent sur leur chemin au moindre caillou. On a craint, à ce qu’il paraît, en Prusse de mettre sa fortune trop à jour sous l’œil du fisc, et l’appréhension du contribuable a singulièrement ralenti le zèle du citoyen. Nous souhaitons qu’il n’en coûte pas trop cher.

Quant à l’Autriche, l’intérêt d’une pondération purement politique disparaît chaque jour davantage sous la pression des luttes de nationalité. La diète de Kremsier offre maintenant un spectacle instructif pour quiconque a suivi le cours des événemens sur le Danube : par un subit revirement de la majorité, le