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été fort maltraité. Les journaux qui voudraient aller au-delà des institutions actuelles, plus larges cependant que personne ne les eût attendues avant 1848 les journaux qui crient nos grands mots révolutionnaires au milieu de ce peuple positif, n’en obtiennent presque aucune attention. D’un autre côté, et comme preuve de ce bon esprit général, les anciens conservateurs, qui s’étaient long-temps opposés à tout changement dans la constitution et qui en avaient vu la révision de très mauvais œil, se sont accordés à prendre désormais la constitution révisée pour unique fondement de leur politique. Voilà comment il n’y a point eu proprement de partis aux prises dans les élections hollandaises : tout le monde voulait une représentation à la fois libérale et modérée ; il n’y avait plus en jeu des questions de principes, c’était partout question de personnes. Sur ce terrain si scabreux, les électeurs ont encore montré un tact spécial.

La seconde chambre des états de Hollande est aujourd’hui composée de 68 membres ; elle n’en comptait autrefois que 56. De ces 68 membres qui forment la nouvelle chambre, il y en a 23 pris à l’ancienne et bien déterminés à ne point s’avancer plus loin que la constitution. L’opposition parlementaire de 1847 a retrouvé ses siéges, et, comme elle a maintenant plus qu’elle ne demandait alors, elle est sincèrement conservatrice. Par contre, il n’est pas un des ultra-conservateurs de ce temps-là qui ait été réélu. Cependant ceux des chefs de cette intelligente opposition qui sont devenus ministres n’ont pas tous été renommés à la chambre ou ne l’ont été qu’avec beaucoup de peine, comme M. Donker Curtius, ministre de la justice : le ministre de l’intérieur, M. de Kempenaer, celui du culte réformé, M. Van Heemstra, n’y sont pas rentrés. Il y a beaucoup d’hommes distingués parmi les 45 membres nouveaux, et s’il en est un qui mérite d’être d’abord cité, c’est M. Van Hall, ancien ministre des finances, élu à Amsterdam, malgré une violente opposition, par la faveur de la bourse, qui se fie beaucoup à son expérience en matière de crédit. Malheureusement M. Van Hall n’a pas la même autorité comme homme politique ; successivement libéral et rétrograde, il a traversé, pour des motifs trop personnels, le ministérialisme et l’opposition, ce qui ne l’empêchera pas peut-être de faire encore une concurrence dangereuse au ministère actuel. La province de Drente a également envoyé un membre des anciens cabinets, M. Van Randwyck, qui a été un instant à l’intérieur et aux affaires étrangères. La ville de Leyde a nomme un représentant qui se trouvait aussi désigné par des antécédens politiques, M. Thorbecke, l’un des professeurs les plus éminens de l’université. Introduit par le roi dans la commission qui a révisé la constitution, écarté du ministère provisoire qui l’a encore modifiée avant de la promulguer, écarté du ministère définitif qui gouverne aujourd’hui, M. Thorbecke arrive à la chambre avec des intentions peu accommodantes pour un cabinet auquel il s’était cru nécessairement attaché ; c’est, dit-on, un esprit dominant qui éloigne plus de gens qu’il n’en rallie. Un point à noter dans la composition d’une assemblée hollandaise, c’est que celle-ci ne renferme pas un seul membre qui soit pourvu d’une aptitude connue pour les affaires maritimes et coloniales ; il a là un vide que la chambre sentira bientôt, la politique hollandaise n’ayant pas de chapitre plus important et plus compliqué.

La meilleure raison de sécurité du ministère, c’est qu’on a besoin de repos, C’est qu’on tient à le laisser achever son œuvre de réforme ; il faut qu’il aborde maintenant les lois organiques et les mesures d’économie. Ces mesures sont