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elle s’occupe aussi de celle du maquereau, la plus importante des pêches printanières après celle du hareng, et de celle des poissons plats, coquillages, crevettes, etc.

L’actif de la société se compose du montant des ventes des produits de la pêche ; le passif comprend certains frais d’armement, tels que vivres, sel, tonnes, etc., les avaries éprouvées par le bateau ou le gréement, un léger droit perçu par la ville pour subvenir aux frais de surveillance et de régularisation des ventes, cautionnemens, etc., l’intérêt des avances faites par l’écoreur ; enfin, le droit d’écorage, représentant le bénéfice attribué au capital, et qui est de 5 pour 100 sur le produit brut de la pêche.

Tous ces frais une fois payés, le produit net se partage de la manière suivante : le maître reçoit une part et demie, chaque matelot une part, les mousses, selon leur âge, un quart, un tiers ou une demi-part ; le bateau compte en outre pour deux parts, et c’est avec les économies que le maître réalise sur elles qu’il achève, à la longue, de rembourser l’écoreur. On voit que, grace à ces arrangemens, le marin pauvre, mais intelligent et de bonne conduite, d’abord simple intéressé dans l’entreprise, devient ensuite associé, et enfin seul propriétaire du bateau qui a navigué sous son nom.

Les syndics de Boulogne, en rapports journaliers avec les pêcheurs, estiment à 650 francs en moyenne la part de chaque matelot[1]. En adoptant cette évaluation, on trouve que l’association formée entre l’écoreur, le maître et l’équipage, rapporte, tous frais d’entretien du bateau payés, environ 11,725 francs[2]. Ainsi, avec 10,000 fr. de capital, qu’il place à dix pour cent au moins, l’écoreur a fourni du travail et du pain à quinze personnes, et donné à un prolétaire doué d’intelligence et d’activité la chance à peu près certaine de devenir industriel

  1. D’après des renseignemens que nous avons recueillis à diverses époques de la bouche même des intéressés sur plusieurs points de nos côtes en Normandie, en Bretagne et dans le pays basque, nous aurions cru cette moyenne plus élevée d’environ 100 francs. De son côté, dans un mémoire fort curieux et trop peu connu sur la petite pêche, M. Edwards, prenant pour élémens de son évaluation les états officiels fournis au ministère de la marine de 1817 à 1822, n’estime ce revenu qu’à 548 francs. (Recherches pour servir à l’histoire naturelle du littoral de la France, par MM. Audouin et Milne Edwards, Paris, 1832.)
  2. Voici les chiffres qui conduisent à ce résultat :
    Francs
    Intérêt à 5 pour 100 de 10,000 francs
    500
    Droit d’écorage sur le produit brut, au plus bas
    500
    Deux parts attribuées au bateau
    1,300
    Une part et demie allouée au maître
    975
    Douze parts de marins adultes
    7,800
    Une part pour deux mousses
    650
    TOTAL
    11,725