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le rayon de leur portée les saillies des chenaux de Gravelines et de Dunkerque en repoussant les courans vers le large, elles appellent les atterrissemens sur le bord, et cette circonstance doit dissuader de la prolongation de ces chenaux, contre laquelle s’élèvent d’ailleurs tant d’objections. Si le jeu de l’écluse du canal de Mardyck devait, comme il est difficile d’en douter, entretenir sur le bord intérieur de la rade une agitation salutaire, il ne faudrait pas hésiter à la rétablir : la dépense serait peu de chose, et le canal est susceptible de recevoir et de rendre dans les grandes marées une masse de à 1,400,000 mètres cubes d’eau. Pourquoi enfin l’administration n’irait-elle pas jusqu’à organiser, dans l’intérêt combiné de la conservation de la rade, de l’assainissement de la partie négligée des watteringues, et de l’agriculture des trois quarts de leur étendue, un grand système de colmatage par les eaux troubles de l’Aa ? Exhausser 30,000 hectares de terres marécageuses avec des dépôts soustraits aux bas-fonds qu’ils vont former, agrandir du même coup le domaine de l’agriculture et celui de la navigation, ce serait partout une opération faite pour honorer un gouvernement : elle deviendrait une affaire d’état quand elle s’appliquerait à des lieux où peuvent se débattre, comme sous Dunkerque, les plus chers intérêts de la nation.

Tout le monde sait que, lorsqu’un navire est à l’ancre dans une eau peu profonde courant sur du sable, le tourbillonnement produit par la compression qu’il exerce sur la veine fluide affouille le lit, et finit par y creuser une concavité correspondante à la place de la coque. Vers le milieu du dernier siècle, un ingénieur de la marine ; du nom de Magin, prétendit faire sortir d’une observation si vulgaire la destruction des principaux obstacles que les sables opposent à la navigation. Après quelques expériences faites à Nantes et à Bordeaux, il se crut en état d’établir du Havre à Caudebec un chenal praticable aux vaisseaux de ligne, et de faire remonter à Rouen des navires de 6 mètres de tirant d’eau. Il exposa son projet dans un mémoire auquel on reprocha trop de hardiesse, comme s’il pouvait y avoir des inventeurs sans enthousiasme, mais qui n’en frappa pas moins M. de Brou, intendant de Rouen Au mois d’octobre 1757, M. de Brou fit faire, vis-à-vis Quilleboeuf, en présence de commissaires de la chambre de commerce de Rouen, des épreuves dont les résultats furent rigoureusement constates. Magin fit clouer par leur milieu et leurs extrémités, sur 3 cubes de bois de 14 pouces de côté, quatre planches de 6 pied de long sur 15 pouces de large ; les planches et les cubes furent percés de trous dans lesquels on passa des cordes de trois pieds de longueur ; à ces cordes on attacha six bombes, et l’appareil fut posé sur le banc de sable du Tot. Au bout de vingt-quatre heures, il s’était formé autour une fouille de 130 pieds de long, 80 de large et 5 de profondeur au milieu.