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de la politique, s’il n’était l’édification de la foi. M. de Falloux suit dans toutes ses directions cette irradiation incessante qui ramenait au centre de la papauté toutes les initiatives, toutes les passions, tous les intérêts jaillissant à la surface du monde catholique, et les renvoyait ensuite à tous les points de la circonférence, coordonnés et fortifiés par l’unité de pensée et d’action. Sorti d’une famille de bannis de Bologne tombée dans l’obscurité et la misère, homme de rien élevé à la suprême puissance, Ghislieri réunissait en sa personne ce double esprit d’égalité et d’autorité qui est une des raisons humaines de la force et de l’universalité du catholicisme. Moine austère, nourri dans les charges de l’inquisition, il savait à fond tous les périls de l’église, et il connaissait par une longue pratique toutes ses ressources. Il avait soixante-deux ans quand il fut nommé pape.

Il y a dans le gouvernement du catholicisme une politique intérieure et une politique extérieure. La première est la direction de tout ce qui constitue les intérêts spirituels : la doctrine, la discipline, le prosélytisme ; la seconde embrasse les relations avec les gouvernemens temporels, relations inévitables, puisque l’église et l’état se rencontrent dans le même homme dont ils se partagent l’empire. Dans les affaires intérieures de l’église, Pie V se fit l’exécuteur des maximes et des règles du concile de Trente. Les gouvernemens auxquels Pie V avait affaire pouvaient se classer en trois catégories : les ennemis, les douteux et les amis. À la tête des gouvernemens ennemis étaient alors l’Angleterre et Elisabeth. Pie V prit en mains, contre la despotique vierge du Nord, la cause de Marie Stuart, la reine prisonnière et la catholique persécutée. Après d’inutiles réclamations en faveur de la royale captive, il lança l’excommunication contre Élisabeth. Les gouvernemens douteux ou, comme nous l’avons montré plus haut, l’influence du protestantisme balançait les forces catholiques, c’étaient le roi de Pologne, l’empereur d’Allemagne, la cour de France. Il dépendait du roi Sigismond, prince faible et débauché, de briser le lien qui retenait la Pologne dans la communion romaine. Ses passions l’y entraînaient, car il sollicitait un divorce. Pendant plusieurs années, jusqu’à la mort de la femme de Sigismond, le pape contint le roi hésitant par une surveillance et une fermeté infatigables. Il en fut de même de l’empereur d’Allemagne, Maximilien d’Autriche. Le catholicisme était tombé, dans les états de ce prince, en un délabrement inoui. Dans cette décomposition, les masses s’en allaient sur la pente du protestantisme ; l’on estimait à peine à un vingtième de la population le nombre des catholiques fidèles, et Maximilien semblait toujours à la veille de se mettre aux mains des protestans. Pie V lui envoya un légat, le cardinal Commendon, pour faire cesser cette anarchie et rétablir les affaires du catholicisme. Là encore Ghislieri releva la fortune de l’église par son indomptable énergie. Il enjoignit au légat, si ses