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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/671

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l’inviolabilité royale et l’hérédité de la couronne péchaient singulière ni par la base. Les rois n’étaient pas si rois, ni les monarchies si monarchiques que nous pensions. À l’épreuve, il en a fallu beaucoup rabattre, et le 24 février a posé un corollaire très inattendu aux théorèmes de la doctrine parlementaire. Mais, par le peu que nous avons dit, on peut s’imaginer quel effet produira dans une république un système dont le point de départ est la constitution permanente, héréditaire et inviolable du pouvoir exécutif. Aucune des conditions de la royauté qui rendaient le régime parlementaire possible ne se rencontre dans le président d’une république : ni stabilité, ni impartialité, ni irresponsabilité. Est-ce un pouvoir stable que celui d’un président élu pour quatre ans au suffrage universel, et que la constitution elle-même interdit de réélire ? Quelque impatient qu’on puisse être, je défie qu’on imagine une combinaison qui prête plus aisément aux changemens de politique à vue. À quoi bon alors lui imposer la condition d’aller chercher dans la majorité incertaine d’une assemblée des lumières sur un état de l’opinion dont il est lui-même le produit, et qu’il représente éminemment ? Quoi ! ce ne sera pas assez pour un pays de voir fatalement, tous les quatre ans, le pouvoir changer de mains, d’esprit et de direction. Il ne sera pas assuré qu’au moins, pendant ce terme si court, la conduite de ses affaires ne soit pas encore altérée à son insu. Ce ne sera pas assez d’une crise présidentielle tous les quatre ans ; il nous faudra des crises ministérielles dans l’intervalle ! À un pouvoir si mobile, il faudra un auxiliaire plus mobile encore. Pendant six semaines d’angoisses et d’attente, une sorte de fièvre inflammatoire aura parcouru toutes les veines du corps social ; à la veille d’un scrutin solennel, le pays aura retenu son haleine, le travail aura été suspendu, la circulation arrêtée. Le jour venu, des millions d’hommes seront sortis à l’heure dite et descendus sur la place publique, quittant, celui-ci sa charrue, celui-là son atelier, perdant de grand cœur une journée de travail souvent nécessaire à leur famille. En revenant, ils croiront avoir fait quelque chose ; ils se trompent, ils n’ont rien fait. Rien n’est encore décidé. Ce n’était point là une véritable manifestation d’opinion publique. Une majorité de quelques voix à Paris voilà où était la vérité et légale expression de la pensée du pays ! Le pays légal est là ! Tout ce qu’avaient voulu, pensé, cru accomplir les masses d’électeurs accourues le 10 décembre, un scrutin secret dans une assemblée suffisait pour le paralyser et le détruire !

Voilà à quel étrange résultat nous a conduits du premier saut l’accouplement de deux ordres d’idées nés sous des régimes différens. Sur ce beau raisonnement, on proposait au président de la république de prendre pour ses ministres des hommes tout couverts encore de la poussière qu’ils avaient recueillie dans l’arène électorale en combattant