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RÉDEMPTION. 719 nouveau pour long-temps, pour toujours peut-être, aux agitations et aux orages dont je suis sorti à peine, et sorti brisé.... Eh bien! Madeleine, pour sauver ou seulement pour empêcher de se dégrader davantage cette ame d’élite dont votre firent est illuminé, pour la conserver digne de cette forme charmante, adorable, qui est devant moi, j’affronterais l’impossible, j’affronterais la souffrance.... Je me donnerais à cette œuvre d’amour avec enthousiasme; je consacrerais à ce de- voir.... que dis-je! à cette passion, chacune de mes pensées, chaque battement démon cœur... Oui, Dieu m’est témoin que rien ne m’arrêterait, que rien ne me ferait hésiter ni pâlir au seuil de cette voie douloureuse peut-être, mais sublime, si je n’y devais être suivi pas à pas par un éternel fantôme : — la défiance! MADELEINE. Grand Dieu! vous ne me croyez pas? MAURICE. Je ne vous crois pas, non, et, à cause de cela, je ne puis vous aimer. MADELEINE. Après ce que je lui ai dit! Mais quel intérêt me supposez-vous à vous trom- per? que puis-je espérer de vous, moi? MAURICE. Que sais-je? Je vous résiste, vous voulez que je vous cède : c’est une tentation cpmme une autre. Enfin, vous avez eu des amans.... que leur disiez-vous? MADELEINE. Rien de ce que je vous ai dit, certes. MAURICE. J’ai entendu répéter à un homme qui a été votre amant que vous étiez, vous la belle rieuse, fort sentimentale dans le tète-à-tète. Que lui disiez-vous donc à celui-là? MADELEINE. Avouez, avouez que, si je vous aime, je dois bien souffrir. MAURICE. Oui. MADELEINE, accablée. Je n’ai rien fait pour mériter cela, vous avez beau dire.... (Après un silence.) Que je voudrais être la Marguerite que vous avez aimée, et qui est morte, pleu- rée de vous!... Ainsi, vous ne me croirez jamais? Ah! Maurice, s’il y a réelle- ment une autre vie, et si nous nous y rencontrons, vous vous repentirez... Vous saurez alors si je disais vrai. MAURICE. Vous avez raison, pauvre fille. Quand la mort aura passé sur nous, alors seulement il n’y aura plus de doute possible, ni sur votre amour, ni sur le reste. (Il se lève.) Que cette scène soit jouée ou non, elle vous fait mal comme à moi. MADELEINE, éclatant de rire. Ah! ah! ah! Ma foi! monsieur, vous êtes un roc. C’est superbe! je ne Tau- rais pas cru. Eh bien! maintenant que c’est fini, je vous dirai que vous avez été fort avisé. Là-dessus, bonsoir, ou plutôt bonjour, car, si je ne me trompe, voici l’aurore qui se lève là-bas.... Quand on a le cœur vertueux.... C’est votre affaire,