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grouper autour de ce vague symbole et guetter, l’arme au bras, l’instant où la révolution française essaierait de franchir le Rhin ou le Pô. Il ne faut pas se dissimuler que cette idée de résistance et d’expansion extérieures est la seule qui jusqu’ici ait surgi bien distincte de l’unitarisme allemand, et M. de Metternich n’épargne pas à ce sujet les railleries à nos républicains de la veille. Que de déceptions, en effet, depuis février ! À peine au pouvoir, nos radicaux embouchaient la trompette héroïque pour sonner le jugement dernier des rois. Le cri d’unité qui venait de s’élever de toutes les parties de l’Allemagne n’était, disaient-ils, que l’écho sympathique des proclamations de l’Hôtel-de-Ville. Les ossemens épars du vieux cadavre germanique se rapprochaient et s’animaient au souffle de la France pour se régénérer dans l’incarnation définitive de la vie républicaine. À peine assemblé, le parlement de Francfort allait imprimer la dernière secousse aux trônes germaniques, substituer à l’alliance des rois l’alliance des peuples, et concourir, sous le « rayonnement pacifique » de M. de Lamartine, à l’affranchissement de la Pologne et de l’Italie. Il s’est réuni, ce parlement : qu’a-t-il fait pour l’idée démocratique ? qu’a-t-il fait pour les nationalités opprimées ? qu’a-t-il fait pour l’alliance française ? Rien pour elles, tout contre elles. À son début, le parlement de Francfort s’est placé sous l’égide monarchique. Il a repoussé la combinaison républicaine d’un directoire fédéral pour centraliser ses pouvoirs entre les mains d’un prince, et ce prince était un archiduc d’Autriche, le substitut même de l’empereur, c’est-à-dire le représentant officiel de la politique qui symbolise en Allemagne la haine de la France révolutionnaire, l’asservissement de la Pologne et de l’Italie. En Bohême, à Posen, il a applaudi aux sanglans succès de l’élément germanique sur l’élément slave. En Italie, il a offert éventuellement à l’Autriche l’appui armé de la confédération, revendiqué pour l’Allemagne le versant italien des Alpes et Venise, et mis implicitement pour condition à tout désistement sur ce point la rentrée de la Hollande, de la Suisse allemande, de l’Alsace, de la Lorraine, dans la « grande unité germanique[1]. » En tout et partout enfin, la révolution allemande s’est constituée le procureur fondé de l’ancienne diplomatie absolutiste, et la France peut déjà voir, aux lueurs obscurcies du « rayonnement pacifique, » la confédération mettre sur pied neuf cent mille soldats. Cette hostilité de l’unitarisme allemand vis-à-vis de la France

  1. Rapport du comité international du parlement de Francfort, séance du 1er août 1848. Dans la même séance, le comité international, présentant son rapport sur les affaires d’Italie, concluait qu’aucune agression contre des territoires appartenant à la confédération germanique ne devait être tolérée, et qu’il faudrait venir au secours de l’Autriche aussitôt que cette puissance en aurait besoin. L’assemblée abandonnait, séance tenante, à l’archiduc Jean le soin de prendre une décision à cet égard.