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REVUE LITTÉRAIRE.




LES THÉÂTRES, LES LIVRES.




Il n’est pas toujours juste, nous sommes prêt à en convenir, d’exiger de la littérature qu’elle s’assouplisse et se transforme à chaque direction nouvelle que lui indiquent les péripéties soudaines de la vie publique. Le théâtre lui-même, qui tient de plus près à la société et ne perdrait rien à nous donner plus souvent le libre et piquant contrôle de ces incidens imprévus qui assombrissent ou égaient les mœurs contemporaines, ne peut se prêter à ces volte-faces subites, et changer ses points de vue assez rapidement pour éviter de montrer des tableaux de la veille à des spectateurs du lendemain. Les conditions, en effet, ne sont pas égales dans un pays aussi inconstant que le nôtre, vingt-quatre heures suffisent à bouleverser chacun de ces traits dont l’ensemble forme la physionomie sociale, politique et mondaine d’une époque. L’art dramatique peut-il procéder avec autant de promptitude ? Ne lui faut-il pas plus de préparations et de lenteurs pour suivre, dans ses métamorphoses, ce modèle changeant qui défie l’œil du peintre par les variations incessantes de ses attitudes ? On doit se résigner à cette inégalité d’allure, et ne pas trop crier à l’anachronisme, si, pour déguiser le retard et combler la lacune, l’art continue quelque temps encore la veine où il rencontrait naguère la sympathie et le succès.

Ces réflexions, nous les appelions à notre aide l’autre soir pour nous défendre de certaines préoccupations importunes, provoquées par la pièce nouvelle de M. Alfred de Musset. Dans Louison, la forme n’est pas moins élégante qu’autrefois ; ce qui empêche d’en ressentir aussi bien le charme, c’est une sorte de contrariété négative, de comparaison involontaire entre cette délicate esquisse et ce qu’on eût voulu trouver dans le premier ouvrage écrit tout exprès pour la scène par un homme que les succès de théâtre sont venus chercher jusque dans ses livres. Nous avions beau nous redire que c’était une exigence prématurée de demander à M. de Musset un vigoureux croquis d’Hogarth au lieu d’un gracieux