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des partis, est l’expression la plus complète de la renaissance flamande en Belgique.


II

M. Henri Conscience est né à Anvers le 3 décembre 1812. Son père, Français d’origine et long-temps employé au service de la marine impériale, avait épousé une Flamande. Après les événemens de 1815, au lieu de quitter Anvers avec ses compagnons d’armes, il s’établit définitivement dans cette ville, occupé de spéculations sur les achats et constructions de navires. L’enfance du jeune Conscience fut chagrine et maladive. Il était bien jeune quand il perdit sa mère ; la privation d’un amour que rien ne remplace imprima de bonne heure à son ame une gravité mélancolique. Ses amis parlent avec étonnement de la fiévreuse ardeur de lecture qui se déclara chez lui dans sa première jeunesse ; ce n’était pas la simple curiosité de l’enfant, c’était une passion dévorante. Je trouve surtout un fait digne de remarque au milieu des scrupuleuses notes que me transmet sur le romancier de la Flandre un de ses compatriotes les mieux informés. Le jeune Conscience avait une quinzaine d’années environ, lorsque son père se décida à vivre à la campagne, au sein d’une retraite profonde. Sa maison, espèce d’hermitage au milieu d’un vaste jardin, était séparée des habitations les plus voisines par de longues plaines solitaires. C’est là que vivaient M. Conscience et ses deux fils, loin du bruit du monde, loin des hommes et des affaires, dans une sorte de bizarre et silencieux ascétisme. Point d’amis, point de serviteurs ; il fallait se suffire, travailler de ses mains et vivre avec la frugalité des anachorètes. Les seuls événemens de cette singulière existence, c’étaient les absences prolongées du chef de famille. Appelé dans les ports de Belgique et de France par les intérêts de son industrie, M. Conscience était souvent forcé d’abandonner ses enfans à eux-mêmes. Comment une jeune ame à la fois naïve et ardente n’eût-elle pas été accessible aux émotions de la solitude, aux continuels enchantemens de cette pacifique thébaïde ? Dans cette retraite forcée, le jeune Conscience, apprit ce que les maîtres n’apprennent pas : il fut initié à la beauté secrète de cette nature qui, gracieuse ou sombre, inondée de soleil ou baignée dans les brumes, éveille toujours au fond des ames privilégiées les sympathies ineffables qui font le poète ou l’artiste. Les tranquilles horizons des plaines de l’Escaut, les grands prés humides, les pâturages immenses qui ont inspiré l’ame méditative de Paul Potter, reparaîtront un jour dans les récits du conteur aussi verts, aussi paisibles, aussi pleins de silence et d’harmonie que sur les toiles du maître flamand.