Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/875

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple. C’est pour cela que nous n’avons pas craint de mêler quelques conseils à nos éloges, et de prémunir cette sincère intelligence contre les entraînemens d’une lutte funeste. Un esprit tel que le sien, une ame se chrétienne et si aimante n’a pas besoin de prêcher la haine de l’étranger pour entretenir le culte des traditions natales. Et ici ce ne serait pas seulement l’étranger, ce seraient ses frères issus d’une autre race, et parlant une autre langue, ce seraient les Belges du pays wallon que M. Conscience, dans son ardeur de prosélytisme, excluerait de la patrie commune ! Il suffit de poser ainsi la question pour la résoudre. En ce moment, nous assure-t-on, M. Conscience écrit un roman dont le principal personnage, Jacques d’Artevelde, doit représenter héroïquement la lutte des communes flamandes contre le pouvoir féodal. L’auteur reviendra aussi, nous l’espérons, à ses charmantes esquisses de mœurs et à ses études de la nature qu’illumine avec tant de grace la plus pure inspiration religieuse. Le roman historique, les tableaux familiers, les calmes méditations au sein des fraîches prairies de l’Escaut, tel est le triple champ ouvert à ses efforts, et, guidé comme il l’est par les sentimens les plus nobles, il y découvrira encore de précieuses richesses.

Que penser maintenant de cette renaissance flamande dont on a fait tant de bruit ? Sympathique au talent de M. Conscience, approuverons-nous la petite insurrection nationale à laquelle le romancier semble être venu en aide ? Ce serait tomber dans une étrange erreur. Si M. Conscience ne fait que s’attacher aux souvenirs de son pays et réveiller le culte des vieilles mœurs, rien de plus respectable que cette tentative. Littérairement et moralement, il a raison d’aimer sa langue, il a raison de lui faire hommage de ses travaux et de travailler à la répandre, il a raison comme Jasmin dans le Languedoc, comme Thomas Moore en Irlande ; mais, si l’auteur du Lion de Flandre a la prétention d’anéantir l’esprit français dans son pays, aussitôt le problème change, et l’histoire tout entière de la Belgique, cette histoire qu’il connaît bien, se lève pour le condamner. Que la Belgique tienne à sa nationalité, qu’elle s’efforce de la constituer solidement, rien de mieux ; elle y parviendra sans nul doute, car son indépendance importe an repos de l’Europe. Ce qu’elle ne réussira jamais à obtenir, c’est une population homogène, une nation une et compacte, c’est une même famille parlant le même idiome. Egalement dévoués à la chose commune, les Flamands et les Wallons s’attachent aussi avec une obstination égale à leurs traditions particulières. Les Flamands veulent conserver leur langue, les Wallons ne renoncent pas davantage à l’idiome de leurs aïeux, et il ne paraît pas jusqu’ici que l’un des deux adversaires puisse triompher de l’autre. Que faire ? S’entêter à cette lutte stérile, envenimer les divisions, mettre aux prises les rivalités de provinces au