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lieu de les atténuer, et, par un vain orgueil national, porter un nouveau coup à la nation ? Telle a été long-temps, je le sais bien, la tendance des esprits en Belgique. Le parti ultramontain, dans sa sotte haine de l’étranger, prétendait isoler le peuple belge de toutes les influences voisines, comme Moïse interdisait au peuple juif le contact des Madianites et des Amalécites. Voudrait-on appliquer le même procédé aux Flandres ? Ce ne serait pas encore assez ; il y a, dans les Flandres même, des divisions de ville à ville, des rivalités de tribus, qu’il faudrait consacrer. Il est évident, en un mot, que la renaissance flamande, pour être conséquente avec elle-même, violerait toutes les lois de l’esprit humain et marcherait au rebours de l’histoire. Je ne pense pas que M. Conscience, mieux informé de la position du débat, accorde jamais le secours de son talent à cette politique insensée.

Les derniers événemens de la Belgique justifient assez, ce me semble, les réflexions que je soumets ici à l’habile romancier flamand. Qu’est-il résulté pour la Belgique de cette politique d’isolement, de cette haine systématique de l’étranger, surtout de cette horreur particulière pour le génie de la France ? Le parti clérical, maître du pouvoir pendant de longues années, a été invinciblement amené à rechercher cette alliance française qui lui aurait semblé autrefois une source de malédictIons. Un voyageur parfaitement renseigné nous a révélé ici même le travail étrange qui a bouleversé peu à peu, dans l’ordre des intérêts politiques et commerciaux, tout le programme des ultramontains[1]. On ne résiste pas, en effet, aux lois de la logique et aux nécessités de l’histoire. La Belgique a voulu vivre isolée comme les tribus de Moïse au milieu des peuples de l’Orient : orgueilleuse prétention qui ne pouvait long-temps se soutenir. Lorsque ses intérêts ont commencé de rompre cette puérile barrière, la Prusse et la Hollande l’ont attirée peu à peu ; mais ce n’étaient pas là ses alliés naturels, et il fallut bientôt s’unir avec la France. Ce qui s’est passé dans l’ordre des intérêts commerciaux arrivera aussi dans l’ordre intellectuel. Depuis quelques années, l’Allemagne circonvient la Belgique par des flatteries de toute sorte ; tantôt ce sont les fêtes de Cologne et les toasts du roi de Prusse au réveil victorieux de la Flandre, tantôt c’est la propagande teuto-flamande qui est ouvertement patronée par l’orgueil germanique ; c’est M. Conscience qui reçoit deill Alexandre de Humboldt, au nom de Frédéric-Guillaume IV, les plus caressantes épîtres ; ce sont enfin mille avances et mille coquetteries prétentieuses. Que faisait la France pendant ce temps-là pour combattre cette puérile diplomatie ? Elle n’avait

  1. Voyez La Belgique et le Parti catholique depuis 1830, par M. Gustave d’Alaux. Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1845. — La Belgique au commencement de 1848, par le même. Revue des Deux Mondes, 15 mars 1848.