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Déboud.

À Déboud est un petit temple de l’époque des Ptolémées et auquel on a travaillé sous Auguste et Tibère. Nous retrouvons et nous retrouverons encore plus d’une fois cette alliance, qu’on n’eût pas soupçonnée avant Champollion et qui frappe encore plus en Nubie qu’en Égypte, entre l’architecture des Pharaons et les souvenirs de l’histoire romaine. Ce n’est pas là tout l’enseignement des hiéroglyphes à Déboud non-seulement ils nous montrent, comme ailleurs, des noms connus de l’histoire, mais à cet intérêt, auquel nous sommes accoutumés, s’en joint un plus nouveau. La lecture des hiéroglyphes nous révèle l’existence d’un roi dont l’histoire n’a pas conservé la mémoire. Il s’appelait Atharramon, et vivait probablement sous les premiers Ptolémées. Ce nom n’avait jamais été écrit avec d’autres caractères que les caractères hiéroglyphiques avant d’être écrit en caractères français dans la correspondance de Champollion.

En revenant du temple, nous avons contemplé un tableau vraiment nubien Un petit garçon noir et nu sautait en frappant de sa lance son bouclier de peau d’hippopotame, un autre en brandissant un long glaive ; un vieux Nubien, à mine d’anthropophage de la mer du Sud, les regardait bondir ; quelques jeunes filles battaient des mains avec une gaieté sauvage. La couleur locale et l’étrangeté des costumes ne manquaient pas à la scène. Le vêtement des jeunes Nubiennes avait juste trois doigts de hauteur ; ce vêtement est un collier ; mais si les modes de Nubie diffèrent autant des modes parisiennes, il est des susceptibilités féminines qui sont les mêmes en tout pays. Une de ces dames court-vêtues s’est indignée de ce qu’un de nos matelots l’a appelée, selon l’usage égyptien, ma mère.

À peine avions-nous repris notre navigation sur le Nil, que nous avons vu le rivage se couvrir de femmes qui couraient çà et là en poussant des cris et comme éperdues. On nous dit qu’un crocodile vient d’enlever un enfant, hélas ! peut-être un de ces petits nubiens qui, tout à l’heure, sautaient si gaiement sur le rivage.

La Nubie me semble à la fois plus sombre et plus riante que l’Égypte. Ce qui est cultivé est très vert. La zone de culture qui s’étend des deux côtés du Nil se resserre extrêmement : au-delà, le désert s’étend d’un côté jusqu’à l’Indus, de l’autre jusqu’au Sahara ; mais cette zone, si étroite, est admirablement féconde. Sur les terrains que le Nil vient d’abandonner, l’orge est encore verte ; celle qu’on a semée sur les pentes que le fleuve a quittées depuis plus long-temps jaunit déjà ; un peu plus haut, l’orge est mûre ; tandis qu’on sème, on recueille.

Nos Arabes chantent en réjouissance de la guérison de M. Durand, qui a été malade. L’un d’eux récite une mélopée, les autres répètent